Démographie et Femme au Bénin

(Par Roger Gbégnonvi)

​Le 5 mars 2023, au cours d’une interview sur la chaîne de télévision LCI, parlant de la démographie en Afrique, le Président Patrice Talon déclare : « Nous sommes confrontés aujourd’hui à un drame. Le taux de croissance de la démographie est trop élevé […] Il faut impérativement contrôler ce taux de progression de la démographie, donc contrôler les naissances […], sinon l’Afrique se portera très mal. » A ces mots, fébrilité angoissée dans le Landerneau béninois où, privés des lumières de l’histoire et de la sociologie, nombreuses gens vivent encore dans l’ombre ancestrale et empirique du tout quantitatif qui s’énonce en matière de natalité : « La progéniture est tout bénéfice » ou « Quand la femme n’en a pas sur les genoux, elle doit en avoir dans le ventre ». Et le mâle, aux commandes, est plutôt d’avis que la femme, jusqu’á sa ménopause, soit chargée sans arrêt aux deux endroits à la fois. Le regard fixé sur le tout quantitatif, le Béninois et la Béninoise ne voient pas les dégâts engendrés contre eux par le non contrôle des naissances, dégâts qui s’expriment du seul mot de RÉDUCTION.

​Réduction d’abord de l’espace humain vital. La population en croissance détruit forêts et brousses pour occuper la place, s’en va jusqu’à squatter marais et marécages. Et ce sont des terres cultivables perdues. Demeurée stable, la fertilité des rivières et des mers ne satisfait plus en ressources halieutiques la population en croissance. Pas assez et pas bien nourrie, la population en croissance se rabat sur des expédients alimentaires, succédanés pour faire quantité et qui, dévitalisés, sont vecteurs de maladies inconnues. La réduction écologique engendrée par la démographie non maîtrisée porte en soi moult détériorations dont l’une des plus graves est la médiocrité de la prise en charge de la génération montante. Une jeunesse pas assez et pas bien éduquée et formée annonce le désastre et non l’avenir radieux de la nation. L’Etat chinois l’a compris. Totalitaire et autoritaire, il a d’abord imposé un enfant par couple, puis a toléré le seuil de deux à ne pas dépasser. C’est afin de pouvoir jouer au mieux, aujourd’hui et demain, son rôle de garant de tous les besoins matériels du citoyen chinois.

​Mais la réduction qui met l’humanité sur la pente la plus dangereuse est la réduction de la femme humiliée par « notre société [qui] n’est pas humaine, mais masculine » selon Ibsen. Tous les livres-phares de l’humanité disent la femme servante de l’homme et la chargent de tous les fardeaux dont celui des réductions engendrées par une natalité effrénée. De 1933 à 2004, le Dahomey-Bénin a vécu sous le régime matrimonial du Coutumier du Dahomey, promulgué en 1931 par le législateur sur la base des coutumes des ethnies de la colonie. Ce compendium vibre de la même ardeur réductrice de la femme que tous les livres-phares. Son article 127 stipule : « La femme n’a aucun pouvoir juridique […] Elle fait partie des biens de l’homme et de son héritage. » Femme-objet attestée par l’article 162 : « La femme, après la mort de son mari, est généralement héritée. Elle épouse l’héritier naturel de son mari… » Femme-marchandise attestée par la langue quotidienne au sud du Bénin, où la jeune fille nubile est dite « diovi », « enfant à échanger ». Sur ces brisées, en 2004, le projet du Code des personnes et de la famille a intégré le droit pour l’homme d’être polygame. Il aura fallu la belle résistance des Béninoises de lumière pour que soit retirée de ce code voulu de progrès l’ombre ancestrale et empirique de la femme-objet-marchandise disponible en quantité pour le mâle.

​Patrice Talon a surpris sur LCI parce qu’on n’a pas compris que le monde va vers le tout quantitatif et y va à vive allure poussé par le mâle qui ne respecte pas l’autre moitié de l’humanité (un peu plus !) Ayant chargé la femme de tout le poids, utile et inutile, de l’hirsute démographie, il la méprise de surcroît au point qu’aujourd’hui on parle de féminicide : réduite et détruite, la femme meurt du fait du mâle. Hommes et femmes doivent donc s’ouvrir, partout où c’est nécessaire, à une rationalisation des naissances pour le meilleur de l’humanité.

Source : 24 Heures au Bénin

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