Dénis Hodonou, socio-anthropologue à propos de l’arnaque à l’emploi : « Il faut d’abord vérifier la crédibilité de l’annonce qui est publiée »
S’il y a un phénomène qui gangrène l’insertion professionnelle des jeunes diplômés au Bénin, c’est l’arnaque à l’emploi, notamment via les réseaux sociaux. Favorisée par l’évolution des nouvelles technologies de l’information et de la communication, cette pratique s’enracine et fait des victimes parmi les demandeurs d’emploi. Une question qui ne laisse pas indifférentes les têtes pensantes de la société béninoise. Adjignon Dénis Hodonou, socio-anthropologue, chercheur à l’Université d’Abomey-Calavi au détour de cet entretien, a analysé ce phénomène en invitant les jeunes diplômés en quête de job à la vigilance.
Que pensez-vous du phénomène de l’arnaque à l’emploi des jeunes ?
Merci beaucoup pour m’avoir offert ce canal. La jeunesse constitue la grande majorité de la population mondiale en général et du Bénin en particulier. Vulnérable, elle devient une proie facile pour des personnes de mauvaises intentions et à la recherche de gain facile. Donc on peut comprendre que l’arnaque à l’emploi se multiplie et gagne du terrain d’autant plus que les jeunes diplômés en quête d’emploi n’ont qu’un seul objectif que de trouver du travail pour être payés à la fin du mois. Les personnes qui se livrent à cette pratique prohibée, n’ont pas en réalité d’emploi. Ce sont des individus qui tentent de se débrouiller en exploitant la faiblesse des jeunes apprenants. Ils créent alors un cadre fictif pour arnaquer les jeunes mal informés et qui peinent déjà à trouver du travail. La plupart des victimes continuent de croire que le salut se résume à l’emploi salarial pour mettre fin à leurs difficultés quotidiennes.
Contre de pareilles situations, il faut forcément que le jeune chercheur d’emploi puisse prendre des précautions données. Mais j’avoue que ce n’est pas facile parce que les arnaqueurs se servent tellement de certaines entreprises de grande renommée de la place pour laisser de bonnes impressions. Avec cette stratégie, ils travaillent sur votre esprit de façon à ce que vous tombiez dans leurs pièges. C’est après que les victimes se rendent compte de la supercherie.
L’autre face cachée dans le domaine de l’emploi est que des personnes physiques ou morales vous demandent des données sur vous. Mais à la fin, ces données sont exploitées à d’autres fins que vous ne maitrisez pas. C’est aussi une forme d’arnaque à laquelle nous assistons dans le secteur du travail. Des gens utilisent vos données personnelles à votre insu pour aller les monnayer et se rendre crédibles auprès de leurs partenaires. Quand ils gagnent les marchés vous n’avez plus de retour.
Pour être plus clair, on utilise des personnes qui ont réellement déjà des attestations, des diplômes et qui répondent aux exigences d’un appel à candidature. L’entreprise concernée fait croire qu’elle a des personnes disponibles pour exécuter le marché. Une fois le marché conclu, les responsables ne font plus appel aux personnes concernées.
Qu’est ce qui peut causer ce phénomène ?
Ce phénomène est souvent dû au manque d’informations des jeunes demandeurs d’emploi. Il faut aussi mentionner une ignorance de leur part et le rêve de ces jeunes de devenir des salariés dans une entreprise.
Tout le monde veut travailler dans un bureau avec cravate et costume.
Quelles sont selon vous les conséquences pour les jeunes diplômés ?
Les conséquences de l’arnaque à l’emploi sont énormes et graves pour la société. D’abord, il y a un découragement des diplômés vis à vis de l’État. En situation précaire, ils sont prêts à s’adonner aussi à des activités peu recommandables. Ils estiment qu’ils ont un diplôme mais il n’y a pas de débouchées pour eux pour sortir du chômage.
Il y a aussi des jeunes victimes bien compétentes qui cherchent à s’expatrier dans d’autres pays pour tenter leur chance. Ils comptent mettre leurs compétences au service d’autres États où les conditions de vie sont les meilleures. Donc, nous assistonss à une fuite des cerveaux. Cela devient une suite logique de la déception.
Quel est votre message à l’endroit des jeunes chercheurs d’emploi ?
Je dirais d’abord aux jeunes qu’il est important de faire des recherches bien approfondies pour avoir de bonnes informations avant de se lancer à la recherche d’un emploi. C’est mieux d’avoir de très bonnes informations et aussi de passer par des canaux officiels pour la recherche d’emploi. Il faut aussi prendre son temps pour vérifier si la structure est enregistrée au niveau de l’État.
Il faut chercher d’abord des informations préalables et analyser la crédibilité de l’annonce qui est publiée. J’invite les jeunes à la prudence dans la recherche d’emploi. Si dans l’annonce de recrutement la sollicitation de l’argent fait partie des conditions pour postuler à l’offre, cela doit être suspect aux yeux du chercheur d’emploi. Le jeune doit se demander si les pièces à fournir pour la candidature sont sensibles. Donc, il est important pour les jeunes en quête d’emploi d’être éveillés. Ils doivent maitriser la procédure normale qui conduit au recrutement d’un employé au sein d’une entreprise. Il faut se lancer en prenant beaucoup de précautions en amont. J’exhorte les jeunes à redoubler de vigilance parce que de plus en plus des gens profitent de leurs difficultés quotidiennes pour les arnaquer. A l’État, je souhaite de prendre des mesures idoines pour sécuriser l’environnement du recrutement. Le gouvernement doit aussi renforcer ses dispositions sécuritaires pour mettre la main sur les faussaires qui dépouillent des populations notamment la couche juvénile, déjà plongée dans la précarité pour défaut d’emploi.
Propos recueillis par Joël SEKOU (Coll.)
Source : Fraternité