Père Saturnin Anani Lawson au sujet de la Semaine Sainte : « Plus que le jeûne, c’est un temps de vie intérieur, de contemplation et de grand colloque avec le Créateur »
La Semaine sainte est pour les chrétiens catholiques, la semaine précédant la Pâques et la dernière partie du Carême. Elle est destinée à commémorer la Passion du Christ. Le Triduum pascal de la Passion et de la Résurrection du Christ commence le jeudi soir de cette semaine et se termine le samedi par la nuit de Pâques. Dans cet entretien, Père Saturnin Anani LAWSON, Eudiste et Curé de la paroisse de Godomey donne plus d’éclaircissements, explique le bien-fondé de la Semaine Sainte et prodigue des conseils. Suivez !
Qu’est-ce qu’on peut véritablement comprendre par « semaine sainte » ?
La dernière semaine du Carême est la semaine charnière qui relie le temps du Carême au Triduum pascal. Elle est appelée « Semaine sainte » ou « Grande semaine » car cette semaine est née du besoin de faire mémoire des événements de la passion du Seigneur. Il faut remarquer que c’est à Jérusalem que s’est développée une riche liturgie qui couvre toute la période allant du dimanche des Rameaux jusqu’à Pâques. La sœur Egérie en a fait une description dans son Itinéraire, à l’issue de son pèlerinage à Jérusalem vers la fin de l’IVe siècle. Nous pouvons comprendre que la célébration de la semaine sainte nous vient de l’Orient, à Jérusalem. Ensuite, à l’imitation de Jérusalem, la liturgie occidentale a organisé des célébrations particulières qui ont constitué finalement la semaine sainte. Si la reconstitution anecdotique de la passion a permis de donner toute sa valeur à chaque épisode évangélique, elle a aussi pour effet de compromettre l’unité du mystère pascal. Ainsi l’appellation « semaine douloureuse » pour désigner la Semaine sainte au Moyen-Age, devait sa raison d’être au fait que la passion était plus dramatisée que célébrée in mysterio, en tant que mystère du salut. En effet, on mettait en évidence la souffrance et la compassion au détriment du salut et de la victoire sur la mort, apportée par la résurrection. Il faut attendre la réforme du Concile Vatican II pour que soit mise en exergue l’unicité de cette semaine. Au regard de la religiosité populaire doloriste et des sensibleries de certains pasteurs et fidèles, il serait aujourd’hui important que l’on prenne garde afin de ne pas perdre à nouveau ce qui fait l’unité de cette semaine. La semaine sainte est donc composée de célébrations qui mettent fin au Carême : la fête des Rameaux, la Messe Chrismale et la Messe in Cœna Domini d’une part, et le Triduum pascal, d’autre part.
Quelles sont les activités prévues en cette semaine ?
Les célébrations qui marquent la semaine sainte mettent fin au Carême, comme souligné ci-dessus : il s’agit de la fête des Rameaux, le dimanche des Rameaux, la Messe Chrismale, la Messe in Cœna Domini et le Triduum pascal.
Les chrétiens devraient-ils redoubler d’ardeur dans le jeûne le long de cette semaine ?
La semaine sainte est certainement, au début des communautés chrétiennes, un moment privilégié de jeûne et d’abstinence. Mieux, après la réforme conciliaire de Vatican II, l’Église a compris qu’il s’agit d’un moment fort d’intériorité où la contemplation de la figure ensanglantée du Sauveur donne sens aux pieux exercices des fidèles. Ceux-ci, en effet, prennent conscience de l’importance de l’Homme pour le cœur de Dieu. Aussi, le jeûne prépare-t-il le croyant à vivre dans l’espérance, le retour de l’Époux qui lui a été arraché (cf. marc 2, 18-22). Plus que le jeûne, la semaine sainte est un temps de vie intérieure, de contemplation et de grand colloque avec le Créateur.
Le jeûne dure 40 jours. Celui qui jeûne seulement au cours de cette semaine sainte a-t-il véritablement jeûné ?
Réduire le temps fort du Carême au seul jeûne qui consiste en une privation de nourriture matérielle serait une erreur grave. Les quarante jours sont un moment de combat spirituel. En effet, La collecte du mercredi des Cendres nous présente le Carême comme un chemin de conversion au cours duquel les chrétiens sont appelés à affronter, avec les armes de la pénitence le combat contre l’esprit du mal. En effet, cette collecte s’exprime ainsi : « accorde nous Seigneur, de savoir commencer saintement, par une journée de jeûne, notre entraînement au combat spirituel : que nos privations nous rendent plus forts pour lutter contre l’esprit du mal ». Il faut dire que le prototype de ce combat, c’est le Christ, lui-même. C’est lui qui a résisté aux pièges du tentateur dans le désert. Il s’agit d’un moment de lutte pour opérer une véritable rupture avec soi-même, prisonnier des concupiscences. L’acuité du combat se révèle aussi dans le fait que même la grâce du baptême ne libère pas notre nature de sa faiblesse, et encore moins de son inclination à commettre le péché. C’est bien cette dernière que la tradition désigne sous le nom de la « concupiscence ». Elle demeure en nous, même après le baptême puisque chaque jour, dans le combat de la vie chrétienne et aidés par la grâce du Christ, nous subissons des épreuves. Il s’agit aussi d’un chemin de conversion. Se convertir est un choix comportant un changement radical de mode de penser et de vivre. Il convient donc d’acquérir un mode de vivre et de penser conforme à l’évangile comme le rappellent les paroles qui accompagnent l’imposition des cendres au début du Carême : « convertissez-vous et croyez à l’évangile ». Il est important de souligner que dans cet itinéraire de lutte et de conversion, la tradition ecclésiale nous offre comme « remède de l’âme », les pratiques et exercices pénitentiels. L’Église prie et nous invite aussi à demander cette grâce : « pour guérir nos âmes, Seigneur, tu nous prescris de discipliner nos corps ; donne-nous de pouvoir nous garder du péché et de répondre ainsi aux exigences de ton amour ». Toute communauté chrétienne, au long de son chemin quadragésimal (le mot carême vient du latin quadragesimae qui signifie quarante) est appelée d’abord, à prendre conscience de la réalité et des exigences de son baptême. Elle est invitée, ensuite, à accomplir des œuvres de miséricorde et de service. Enfin, elle est invitée à célébrer son être en Jésus Christ dans l’eucharistie, lieu de rencontre de l’expérience baptismale filiale et sa pleine manifestation. Le Carême est un temps de combat concret à travers des actes : la prière, le partage et la pénitence. Aussi, les jours de jeûne obligatoire sont le mercredi des Cendres qui débutent le Carême, et le Vendredi Saint, jour d’accomplissement du mystère de la Rédemption. Ainsi le temps du Carême engage véritablement l’être chrétien et dépasse la seule observance du jeûne.
Quelles sont les comportements que doit adopter le chrétien au cours de cette semaine ?
Le chrétien est invité à plus d’intériorité. Il doit opérer une césure en lui-même pour entrer en contemplation de la miséricorde en acte.
Qu’est-ce qui est prévu à la fin de cette semaine sainte ?
Le troisième jour du triduum pascal, le dimanche de Pâques introduit tous les chrétiens dans la joie des festivités de Pâques. Ce n’est pas un moment de réconciliation avec le vieil homme et les beuveries d’hier. L’ancien monde s’en est allé. Le chrétien qui vit dans la joie du ressuscité est un homme nouveau. Après l’octave de Pâques qui célèbre chaque jour le même mystère de la résurrection du Christ, le chrétien prolonge sa joie dans la cinquantaine pascale qui sera clôturée par la Pentecôte.
Votre mot de la fin.
La semaine sainte nous appelle à l’action. Et notre action s’enracine dans l’amour que Dieu est. Entrons donc dans cette grande semaine par amour. Amour de Dieu qui se donne à nous, qui a pris nos routes pour venir à la rencontre de l’homme de tous les temps et toujours. Allons à cette élévation qui nous illumine et nous porte les uns vers les autres pour la paix et le mieux-être de chacun. Bonne semaine sainte à tous en Jésus et Marie.
Propos recueillis par Mahussé Barnabé AÏSSI (Coll)
Source : Fraternité