1ère édition de « CEO OF THE DAY »: La CEO et la Pdg de Primogaz apprécient l’initiative de MTN

MTN Bénin a organisé en Mars dernier la première édition du « CEO OF THE DAY » qui a vu une dizaine d’organisations promouvoir des jeunes talents féminins. Parmi les entreprises participantes, PRIMOGAZ représentée par sa fondatrice Gladys SEKI BEAT, s’est illustrée en portant le choix de sa CEO d’un jour sur une jeune femme volontaire qui rencontre des obstacles à plus d’un titre. Nous sommes allés à leur rencontre.

 

OLGA : Je suis AHOUANSOU Améyo Olga, je suis une personne handicapée moteur. Je suis la trésorière générale d’une organisation de personnes handicapées qui défendent la cause des filles et femmes handicapées du Bénin. Je suis également la secrétaire générale de la coordination communale des organisations de personnes handicapées d’Abomey-Calavi et je suis la CEO OF THE DAY de Primogaz.

GLADYS : Je suis Gladys BEAT la PDG de Primogaz Bénin, une structure pétrolière agréée par l’Etat béninois pour l’importation, la distribution et le stockage de produits pétroliers. Je me définis comme une femme ambitieuse, un leader décomplexé, une personne éprise de liberté et d’indépendance. Je suis très engagée dans tout ce qui est épanouissement de la femme à travers la promotion d’actions visant à l’autonomisation et à l’éducation des femmes au Bénin.

QUESTION : Etre femme présente son lot de défis, et le monde professionnel peut en rajouter une couche. A quels types de stéréotypes ou préjugés avez-vous du faire face ?

GLADYS : En tant que leader, femme en entreprise et cadre, j’ai eu à faire face à toutes sortes de clichés : le premier est la perception qu’on a de la femme qui a un gros bagage intellectuel qui doit forcément être associable, qui n’a aucun sens du relationnel qui est imbue de sa personne. Un autre cliché assez répandu est de dire que les femmes qui ont un certain niveau de responsabilités ont du mal à équilibrer leur vie familiale et leur travail. On pense généralement que ce sont des célibataires endurcies, et voilà… on se met à faire ressortir toutes sortes de préjugés erronés. Un dernier préjugé c’est de se dire qu’une femme qui est leader, c’est une femme qui n’a pas d’état d’âme, qui manque d’empathie, une femme froide, qui a la main dure… On appelle souvent les femmes leaders des Margareth Thatcher alors que certaines sont tout le contraire. On peut être une femme leader tout en étant très attachée à tout ce qui est émotionnel, en sachant communiquer, faire preuve d’empathie et de bienveillance.

OLGA : Quand on voit que tu es une personne handicapée on te regarde d’une manière bizarre. Il y a d’abord le regard de la société qui pèse sur nous, après, on te voit comme une personne à qui on ne peut pas confier de responsabilités, qui doit rester à la maison et être à la charge d’une personne. Être une femme handicapée amène les gens à avoir beaucoup de préjugés sur vous. Les gens ont du mal à accepter qu’une femme handicapée peut être mère. Je l’ai vécu, j’étais dans une relation avec un homme et sa famille s’est opposée à ce qu’il m’épouse parce que je serais une charge pour lui, donc sa mère a tout fait pour nous séparer.

En tant que cheffe d’entreprise, comment pensez-vous que les entreprises peuvent soutenir l’inclusion et la diversité pour les personnes ayant des besoins spécifiques ou en situation de handicap ?

GLADYS : Je pense que le premier pas est au niveau du processus de recrutement. Il faut pouvoir établir un processus ouvert à toutes les personnes quels que soient leur catégorie sociale, leur genre ou leurs différences. Ensuite, il faut pouvoir faire au sein de l’entreprise des sessions de sensibilisation. Si les employés sont sensibilisés au fait qu’une personne différente a autant de compétences que toutes les autres. Je pense que ça pourrait aider les employés à prendre conscience qu’être handicapée n’est pas une fatalité et ça part de là, il faudrait déjà insister sur l’éducation, la sensibilisation et le processus de recrutement ouvert à tous.

OLGA :  Au sein des associations, on met souvent l’accent sur la sensibilisation de la population sur ce que c’est que le handicap. Nous militons aussi à travers des plaidoyers, des demandes d’audience auprès des autorités afin que nos exigences soient prises en compte et que la loi qui a été votée soit respectée par la population.

Comment PRIMOGAZ aborde les biais inconscients dans le recrutement et la promotion ?

GLADYS : A PRIMOGAZ, ce qui nous intéresse ce sont les compétences, les atouts potentiels du candidat, son dynamisme sa technicité. De plus, nous organisons avec l’ONG ETONAM des sessions d’immersion où une fois par mois un de nos employés participe à un programme a l’intérieur du pays ; que ce soit pour assister des jeunes filles ou des personnes en situation de handicap afin d’être au parfum des réalités et voir que ces personnes vivent comme tout le monde et s’habituer à l’idée de les côtoyer en entreprise ou ailleurs.  On essaie d’être en contact avec des personnes de divers horizons pour apporter un impact positif à tout ce que nous faisons.

OLGA :  la première formation que j’ai suivie était en informatique de saisie. Par la suite, il y a eu un recrutement auquel j’ai postulé et j’ai été admise. Mais à ma grande surprise, on m’a fait comprendre que j’avais le profil recherché mais que je ne pouvais pas travailler au sein de la société à cause de mon handicap parce qu’il y a des choses que je ne pourrais pas faire… J’ai dit que je ne comprenais pas, j’ai postulé à un poste d’opératrice de saisie et ce sont avec mes mains que je vais travailler et non mes pieds…  Il m’a répondu qu’il était désolé mais que ça ne pourrait pas marcher. C’est comme si je revivais encore ce jour-là… J’étais rentrée chez moi toute triste, parce que je frappais déjà à d’autres portes et rien ne marchait et là quand on m’a appelée, je me suis dit wow j’ai le boulot mais là franchement une fois encore j’ai été recalée à cause de mon handicap. C’est même ce qui m’a poussée à intégrer des associations pour qu’ensemble avec mes paires nous luttions pour la cause des personnes handicapées.

Pouvez-vous partager des conseils pour les femmes et les personnes handicapées qui souhaitent réussir leur carrière ?

OLGA :  le conseil que j’ai à donner à mes frères et sœurs handicapé.e.s est de savoir que ce n’est pas une fin en soi qu’il faut mettre son handicap de côté pour pouvoir surmonter quotidiennement les obstacles qui se présentent.

Que représente pour vous le thème « Femme Leader » ?

GLADYS :  La femme leader est celle qui a su pousser ses limites, pousser toutes les barrières et les obstacles que les normes sociétales ont voulu lui imposer, et qui aujourd’hui est une référence pour les femmes mais aussi pour les hommes parce que le leadership féminin a tant un impact sur tout le monde. C’est la femme qui pousse les autres à aller de l’avant, qui les motive et les emmène à prendre en main leur destinée.

OLGA : Pour moi la femme leader, c’est celle qui a la capacité de diriger des personnes. Une femme qui sait rassembler, et qui pose des actes pour s’imposer dans la société.

 En écoutant certaines personnes, on réalise que les plus grands misogynes sont des femmes. Quel est selon vous le rôle des femmes dans la promotion du leadership féminin et du respect des droits des femmes ?

GLADYS : C’est une question d’éducation et de réinitialisation du mental. Les femmes doivent se dire que la question de l’inclusion, de la diversité, du leadership féminin et les changements qui sont attendus de ce monde, doivent venir d’elles-mêmes. Elles doivent prendre conscience qu’elles sont le socle de l’équilibre familial, la base de l’équilibre au niveau de l’environnement, de la santé, de l’éduction, et même de l’économie. Et à cet instant-là, de pouvoir se dire que les problématiques qu’elles vivent, les problèmes qu’elles ont, ne pourront être réglés que par elles-mêmes, puisqu’elles sont les seules à mieux connaitre leurs besoins et mieux adapter les solutions qui pourront résoudre ces problèmes-là. Dès l’instant que la prise de conscience est faite, idéalement depuis le bas âge, il est plus facile pour les femmes de se tenir la main et de pouvoir se porter, porter des projets ensemble, qui vont impacter la communauté, qui vont changer des vies, et c’est seulement comme ça que nous réussirons à faire de grandes choses en tant que femmes.

Comment décririez-vous votre expérience au cours de ce challenge CEO of the DAY ?

GLADYS : J’ai vécu ce challenge avec beaucoup d’émotions. En vérité, j’ai été de façon temporaire une personne en situation de handicap. Regardez mes mains, vous verrez des tâches d’hyperpigmentation. Tout simplement parce que, (excusez-moi il y a beaucoup d’émotion), j’ai été victime d’un accident domestique, où j’ai eu les mains totalement ébouillantées, brulées. Je me suis retrouvée désorientée pendant un moment, moi la femme battante, indépendante, autonome, je me suis retrouvée comme une personne assistée qui même pour un coup de fil, même pour manger, même pour faire des actes basiques, a besoin d’être accompagnée. Quand je suis sortie de cette expérience, j’ai commencé à porter un regard différent sur les personnes en situation de handicap. Parce que j’avais vécu cette situation et je me suis demandé comment aider ces personnes à se rendre visibles. J’ai commencé par les actions avec l’ONG ETÔNAM, et par la suite lorsque j’ai entendu parler du challenge avec MTN, je me suis dit c’est le moment de partager cette expérience, de faire un choix inclusif, afin que les autres personnes, qui n’ont pas idée de ce que ça peut être, puissent porter un autre regard sur ces personnes handicapées, se dire que ce n’est pas une fatalité, que ce sont des personnes compétentes, dynamiques, qui méritent d’être écoutées, d’avoir des postes au sein de l’Elite sociale. Donc je l’ai vécu comme une expérience enrichissante, tant sur le plan éducatif qu’émotionnel.

 OLGA : J’ai vécu cette expérience avec beaucoup de joie, vis-à-vis du choix que madame Gladys a fait en ma personne. Je me suis vraiment sentie dans la peau de PDG et ça m’a donné envie de ne plus rester en retrait, je veux devenir PDG, diriger des choses quoi (rires), conduire des groupes de personnes. Avec Gladys, vous ne pouvez pas imaginer ce qui s’est passé le jour-là. Je me suis vue sur le site en train de contrôler l’index des pompiers, le gasoil, quand je viens au bureau, je règle les problèmes tac tac tac, ouf ce fut une très belle expérience que j’ai vécue. (Rires)

Comment pensez-vous que la Journée internationale des droits des femmes peut contribuer à sensibiliser davantage à l’inclusion et à la diversité ?

GLADYS : La Journée internationale des droits des femmes ne doit pas être une question d’un jour, mais un processus de travail acharné tous les jours de l’année, à travers des actions concrètes, qui sont menées par les leaders de la société, par les personnes de références, les personnes dont les actions portent. Et c’est seulement de cette façon-là qu’on pourra créer une chaîne qui, au fil du temps, aura un impact, de telle sorte que la femme qui se trouve de l’autre côté, au bout du monde, puisse bénéficier des impacts de cette journée et que le 8 Mars soit seulement une journée où toutes ces actions, ces impacts-là sont mise en lumière. Donc qu’on ne vienne pas seulement le 8 Mars dire journée des femmes, mais qu’en amont des actions soient menées tous les jours par des personnes éprises de leadership et de changement, qui portent ces projets sous forme de chaine qu’on alimente de génération en génération.

OLGA : La Journée internationale des droits des femmes ne doit pas être prise comme une journée de fête. Les femmes doivent discuter réellement des problèmes qui nous retardent et prendre des décisions qui vont nous aider à progresser et aller de l’avant.

Mot de fin

GLADYS : Mon mot de fin est pour toutes les femmes, toutes ces personnes qui se sentent différentes parce qu’elles portent en elles un handicap quel qu’il soit, visible ou invisible. Je pense à toutes ces femmes qui subissent des violences morales, à toutes les femmes qui vivent dans la peur et je leur dis que les peurs, les préjugés ne devraient pas être des limites à notre évolution professionnelle. On doit pouvoir se forger un mental de gagnant, pour pouvoir décrocher des opportunités, pour pouvoir se positionner dans le monde actuel. Et à toutes ces autres femmes qui ont compris que le changement ne viendra que par des actions concrètes faites par des femmes pour des femmes et des communautés, je les encourage vivement à continuer, je les encourage vivement à inspirer d’autres femmes d’autres jeunes filles à joindre ce combat-là, et ce n’est que de cette façons que nous pourrons consolider les efforts déjà faits par d’autres femmes des générations précédentes, ce n’est que comme cela que nous pourrons gagner de plus grands combats.

OLGA : En mot de fin, j’exhorte mes frères et sœurs handicapés, si un jour quelqu’un leur confie une responsabilité, qu’ils le fassent très bien pour permettre à d’autres personnes d’avoir cette chance. Parce que s’ils le font mal, les gens penseront qu’ils ont raison de penser ce qu’ils veulent de nous. Je nous exhorte à bien exécuter les tâches confiées. On aura une chance de s’imposer dans la société et de prouver que nous ne sommes pas des gens qui vont rester à la maison, mais des gens qui peuvent assumer des responsabilités.

Source : Matin Libre

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