Afrique: Ces coups de force qui embrigadent à nouveau le développement du continent

 La crise au Niger retient toutes les attentions quant à l’actualité socio-politique dans la sous-région Ouest-africaine. Caractérisée par une énième irruption de militaires sur la scène politique, il s’agit à nouveau d’une prise en otage du président démocratiquement élu. Face à cette situation de non-droit, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’ouest (Cedeao) reste ferme. Elle exige ainsi la réinstallation du président Mohamed Bazoum dans ses fonctions. Ceci, avec à la clé le rétablissement de l’ordre constitutionnel et, à défaut, une intervention militaire pour y procéder. Depuis cette position de l’organisation, les commentaires vont bon train. Ils sont notamment hostiles, de la part d’un certain courant dit panafricaniste. Mais en réalité, tout porte à croire que ces commentateurs ne comprennent grand-chose de la réalité. Pour elles, les coups d’Etat sont la solution. Car, ils permettraient selon eux, de s’affranchir de tel pays qui serait la cause des malheurs du continent, pour s’allier à tel autre qui serait le sauveur. Seulement, il est impérieux d’éclairer davantage les lanternes des uns et des autres. Histoire de leur faire comprendre, que la démocratie reste le seul modèle de gouvernance aujourd’hui valable.

Pourquoi proscrire les coups de force….

La démocratie adoptée depuis les indépendances, la perpétuer ou la pérenniser est d’autant impérieuse que bénéfique pour l’Afrique. Une multitude de raisons l’attestent. Étant le mode d’expression politique des populations, c’est à ces occasions qu’elles choisissent leurs dirigeants pour une durée donnée. Par ce procédé, elles ont l’occasion de sanctionner les dirigeants ou leur décernent un satisfécit, même si comme tout autre système politique, elle a ses points forts et ses points faibles. Mais c’est encore elle qui permet que, sur le temps d’un mandat, la voix de la majorité du peuple oriente l’action politique. En plus des pouvoirs politiques, elle règne aussi dans des Associations et entreprises, toujours par le système de choix des dirigeants. Même si l’on admet que pour une raison ou une autre, des difficultés de parcours, des incompréhensions voire des crises peuvent survenir ; il est nécessaire d’indiquer que les mécanismes de règlement de ces crises sont toujours prévus par les textes et l’on doit y faire éventuellement recours. Car en démocratie, les différends se règlent par les voies républicaines et non par la force ou la remise en cause du processus. Il serait donc chélou que pour une raison ou une autre, des militaires interviennent pour mettre fin au processus démocratique. Si ce phénomène est érigé en règle, l’on devrait aussi comprendre et accepter que dans une circonscription électorale, dans une commune, si pour une raison ou une autre on n’est plus d’accord avec le député ou le maire, on peut recourir à la force pour mettre fin à ses fonctions. Dans la même vaine, à la dimension familiale ou communautaire, les chefs de famille ou les dignitaires traditionnels peuvent être démis par quelqu’un qui dispose de la force, notamment les armes. Ce n’est donc pas le type de société qu’il faut promouvoir, si l’on doit remédier à l’anarchie. D’ailleurs, à y voir de près, l’on n’a jamais observé, nulle part, les populations en appeler à perpétrer des coups de force parce qu’elles seraient mécontentes. Autrement, il s’agit toujours d’une initiative cavalière sans perspectives. La démocratie malgré ses imperfections demeure un processus, un apprentissage de tous les jours. La preuve, l’actualité aux Etats-Unis avec les comportements de l’ancien président Donald Trump prouve bien que même un pays qui pratique la démocratie depuis des siècles, peut connaître des crises majeures. Pourtant, dans ce pays, les militaires n’ont pas fait irruption sur la scène. Mieux, la dernière réforme des retraites en France a fait naître une grosse crise sociale voire sociétale. Pourtant, il n’est passé à l’idée de personne que des militaires pouvaient s’inviter sur la scène pour déposer le président et s’accaparer du pouvoir. Le jeu démocratique doit se laisser faire. Et, au moment des élections, les populations exprimeront leur choix et diront par la même occasion, leur appréciation de l’action politique menée par les dirigeants du moment. Par la force, si on arrête de façon aussi intempestive le processus démocratique, on ne lui donne pas de chance de s’améliorer, de se parfaire pour impacter significativement la gouvernance et les conditions de vie. Agir ainsi, c’est organiser une remise en cause permanente qui, elle-même, génère l’instabilité chronique et ne favorise pas une action politique cohérente. Cela est si vrai que même les putschistes qui ont pris le pouvoir au Mali en sont conscients et ont inscrit dans la nouvelle Constitution qu’ils viennent de faire adopter pour le pays que : Article 187 : « Tout coup d’Etat ou putsch est un crime imprescriptible contre le peuple malien ». Article 188 : « Les faits antérieurs à la promulgation de la présente Constitution, couverts par des lois d’amnistie, ne peuvent, en aucun cas, faire l’objet de poursuite, d’instruction ou de jugement. ». On peut ainsi constater qu’ils entendent éviter de subir eux-mêmes des coups d’Etat et aussi s’éviter tout jugement futur. Si donc les militaires putschistes sont conscients que cela ne fait pas avancer, il y a lieu de comprendre les exigences de la Cedeao pour un retour à l’ordre constitutionnel. Malheureusement, la leçon est encore loin d’être retenue. C’est en clair une attitude qui est de nature justement à donner raison à un ancien président Français, Jacques Chirac qui disait que « la démocratie est un luxe pour l’Afrique ». Si ce point de vue avait été dénoncé avec vigueur, c’était parce que les africains étaient convaincus qu’ils devraient faire leur parcours, leur apprentissage jusqu’à atteindre les standards les plus élevés en la matière. Hélas !

J.G

Source : Matin Libre

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