Arrêtés et déposés en prison: Que deviennent-ils ? (Le temps de la Justice…)

A l’instar du dossier Carlos Adohouannon, ex régisseur des impôts (Ministère de l’économie et des finances) accusé de détournement de plusieurs milliards FCfa, qui avait pris la clé des champs le 20 septembre 2019 et extradé du Sénégal vers le Bénin, jeudi 17 septembre 2020, plusieurs autres cas sont dans les mains la justice, principalement de la Criet (Cour de répression, des infractions économiques et du terrorisme) et on n’en parle plus. Dès lors qu’il n’y a pas eu jugement et des mois, voire années passent, cela nécessite qu’on s’interroge surtout que ces dossiers avaient cristallisé toutes les attentions au moment des faits. Aussi, la même justice a connu bien après d’autres dossiers supposés de crimes économiques, de terrorisme, d’atteinte à la sûreté de l’Etat dans lesquels les mis en cause sont déjà situés sur leur sort, les peines ou sanctions à eux infligées. Loin de nous toute idée de vouloir forcer la main à la justice qui a son agenda tant les dossiers sont aussi délicats les uns que les autres. Mais l’intérêt ici est qu’un nombre important de détenus se retrouvent dans cette situation dans les maisons d’arrêt ou les prisons du Bénin, en violation des dispositions du Code de procédures pénales. A la suite de la Commission béninoise des droits de l’homme (Cbdh), qui selon son rapport de l’année 2021 a été saisie de quarante-six (46) requêtes relatives entre autres à des cas préoccupants de maintien en détention abusive malgré les décisions de justice, des délais de procédure excessivement longs, la Cour constitutionnelle a rendu des décisions qui condamnent le non-respect des délais de détention provisoire. De janvier 2022 au 31 mars 2022, la Haute juridiction a rendu une quarantaine de décisions (trente-neuf au total) sur le non-respect des délais de détention provisoire. En effet, les décisions, en substance, déclarent arbitraire, abusive et contraire à la Constitution, la détention de plusieurs personnes. Le cas le plus récent, relayé par les médias, concerne le sieur Ulrich Monkoun à la maison d’arrêt de lokossa depuis 11 ans sans jugement, qui a saisi la Cour depuis octobre 2022 et a eu gain de cause le 13 Avril 2023 ; la Cour ayant jugé abusive sa détention provisoire en référence aux articles 6 et 7 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, et l’article 147 du Code de procédure pénale en vigueur au Bénin. Dès lors, outre Carlos Adohouannon, il y a lieu de s’interroger sur ce que deviennent Prudence Ayodélé Faléti Biaou alias « Général Faléti », Mesmin Kpodékon, Pasteur fondateur de l’« église » Azaël Awouignan, et consorts, détenus à la prison civile de Missérété.  Le premier, le ‘’Général Faleti’’ autoproclamé de Savè a été interpellé le 23 janvier 2020 suite aux violences des élections législatives exclusives de 2019 parce qu’identifié comme meneur de troupe civile ayant affronté les forces de l’ordre à Savè. Arrêté dans un hôtel à Parakou en compagnie d’une femme, la police aurait découvert sur lui une somme d’argent, des gris-gris et divers objets. Présenté au procureur spécial de la Ciret, il est placé en détention provisoire pour association de malfaiteurs, atteinte à la sureté de l’Etat, atteinte volontaire à la vie des personnes, rébellion…. Il faut signaler que dans l’attente de son procès, le ‘’Général Faleti’’ avait écrit à la Cour constitutionnelle, déplorant l’impossibilité pour lui de recevoir de la visite, demandant ainsi à la Haute juridiction d’intervenir en sa faveur auprès du président de la République en vue de sa remise en liberté. C’est par la truchement d’un recours enregistré au secrétariat de la Cour constitutionnelle sous le N°1360/276/REC-21 du 05 août 2021 et inscrit au rôle de la chambre des audiences plénières du jeudi 21 octobre 2021, rapportaient plusieurs médias. A propos de la requête, la Cour s’est déclarée incompétente.

Le deuxième dossier est relatif à un affrontement entre fidèles d’une église dénommée Azael et la police républicaine dans une ferme de Monkpa à Savalou, dans le département des Collines. Les faits remontent au samedi 29 janvier 2022. Dans la foulée de cet acte de violence qui a fait deux morts, des blessés dans le rang des policiers puis plusieurs morts dans le rang des fidèles dont deux sous les balles et au moins quatre calcinés, le premier responsable de l’église a été interpellé, dans sa fuite, le lendemain dimanche et déposé en prison avec près d’une vingtaine d’autres personnes dont des proches parents. Dans ce dossier qui avait nourri sur plusieurs semaines l’actualité, et dans lequel le pasteur fondateur a perdu enfant, frères et neveu, sa génitrice alors grabataire, qui faisait partie de la soixantaine de fidèles (femmes, enfants et vieillards) rescapés, gardés en « résidence surveillée » dans un centre à Savalou avant d’être libérés, fin avril 2022, a rendu l’âme il y a quelques semaines.

A côtés des affaires Carlos Adohouannon, Biaou Faléti, Mesmin Kpodékon citées ici, il reste plusieurs autres sans doute. La justice a indéniablement son agenda pour chaque dossier, mais au regard des nombreux cas de violation dénoncés et condamnés par des mécanismes en ce qui concerne certaines détentions, il y a lieu d’en tenir compte pour l’image du pays en matière de respect des droits humains, et ce conformément aux dispositions des instruments régionaux et internationaux ratifiés.

Mike MAHOUNA

Source : Matin Libre

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