Clément Capo-Chichi, Président de la Cbdh: « La révocation est de nul effet » Il n’aurait jamais eu AG lundi dernier

On en sait un peu plus sur l’embrouille qui oppose 8 Commissaires au Président de la Commission béninoise des droits de l’homme. Joint au téléphone par la rédaction de Matin Libre, le Président Clément Capo-Chichi est revenu sur les dessous de sa supposée révocation. Révocation qu’il conteste non seulement parce que le processus, dès son entame, est émaillé de vices de procédure mais aussi, du fait qu’il n’aurait jamais eu Assemblée générale, lundi 23 octobre dernier.

 

C’est au lendemain de l’Accréditation de la Cbdh, en mars 2022, que les problèmes ont commencé à la Commission béninoise des droits de l’homme (Cbdh). L’accréditation n’est pas un statut définitif. La Cbdh doit être réévaluée tous les 5 ans sur la base des recommandations qui sont faites. Tous les 5 ans, le statut est donc remis en jeu. Dans les recommandations, il y a trois points fondamentaux. Le premier c’est la mode de sélection et de désignations des membres de la Cbdh. Aux dires du président Clément Capo-Chichi, le sous-comité accréditation a demandé que désormais, les membres soient désignés au mérite, et non selon les organisations professionnelles qui ont chacune leur modalité de désignation. La 2e recommandation est de sortir les politiques de l’organe de décision.

Or, en état actuel de sa loi, la Commission béninoise des droits de l’homme est pratiquement comme une Ong, c’est-à-dire qu’il y a une Assemblée générale qui est l’organe de décision et il y a un bureau exécutif qui exécute les décisions de l’Assemblée générale. Cela se comprend par le fait qu’il y avait une première commission créée en 1989 qui était en fait sur le modèle d’une Ong. Et lorsqu’ils ont voulu faire la nouvelle loi en 2013, ils n’ont pas sorti les vestiges contenus dans l’ancienne loi. Ce qui ne fait pas de la Cbdh une véritable institution de la République. Or, la Cbdh est une institution créée par l’Etat pour l’accompagner dans ses obligations en matière des droits de l’homme.

Au lendemain donc de l’accréditation, le président Clément Capo-Chichi affirme avoir entrepris une réforme qui tient compte des recommandations et qui assure à la Cbdh la réaccréditation. Dans le même temps, le gouvernement du Bénin a entrepris la réforme du mécanisme national de prévention de la torture prévu par le Protocole facultatif à la Convention contre la torture que le Bénin est le 1er pays africain à ratifier en 2006. Le gouvernement a désigné la Cbdh pour appliquer en son sein ce mécanisme depuis le 03 octobre 2019. Il fallait donc intégrer dans la réforme, la désignation au mérite et le mécanisme de prévention contre la torture. Voilà la pomme de discorde.

Face à l’opposition, Clément Capo-Chichi prend sa responsabilité

Le président de la Cbdh affirme que lorsqu’il a proposé, au mois d’avril, le texte de réforme, la majorité des commissaires s’y sont opposés. En Mai, le gouvernement a modifié le décret d’application de la Cbdh pour changer le mode de désignation de deux corporations, le patronal et les syndicats. Désormais ce sont les organisations qui ont gagné les élections professionnelles patronales qui siègent. Le risque étant grand que les Commissaires se réveillent un jour avec une nouvelle loi, le président a demandé à ses pairs de suivre le rythme, d’entrer dans le train du gouvernement afin de faire valoir leurs arguments. Les Commissaires se sont opposés. Ils ne voulaient pas que la loi soit réformée. On pouvait comprendre que la désignation au mérite ne les arrangeait pas. Cela ouvrait la voie à tout le monde pour siéger à la Cbdh. C’est l’enjeu. En août, le gouvernement annonce qu’il va réformer la loi. En novembre, le gouvernement saisit les Nations Unies et a envoyé le nom du Président Clément Capo-Chichi en qualité de Président du Mécanisme de prévention contre la torture, en même temps que Président de l’Institution nationale des droits de l’homme. Les Nations Unies ont pris acte mais demandent que la loi soit modifiée. En Janvier 2023, l’ancien Garde des sceaux annonce publiquement aux Nations Unies qu’il est en discussion avec le Président de la Cbdh pour voir comment mettre en place le Mécanisme. Le 21 mars, le chef de l’Etat reçoit les Commissaires de la Cbdh et donne son accord pour la réforme afin qu’il soit intégré les engagements internationaux pris. Malgré cela, les Commissaires ont réitéré leur opposition. Le président a donc pris ses responsabilités en envoyant un projet de texte pour amener le gouvernement à prendre leur avis. C’est alors que les Commissaires ont fait une pétition contre le Président Clément Capo-Chichi auprès du Garde des sceaux qui a associé la Commission à l’étude et à l’adoption du projet du gouvernement. Mais à l’issue de la séance, les Commissaires n’ont pas trouvé leur compte. Ils veulent toujours que le statu quo soit maintenu. Mais le gouvernement a envoyé le projet à l’Assemblée nationale le 05 octobre dernier. Les Commissaires ont décidé de porter de fausses accusations contre le président Clément Capo-Chichi, selon ses dires. On parle de détournement, de prévarications… Ils l’ont fait devant le Garde des sceaux et ce dernier leur a dit de saisir les juridictions s’ils disposent des preuves. Ne se reprochant rien, le Président Clément Capo-Chichi a demandé la même chose. Mais ils continuent de ventiler sur les réseaux sociaux les mêmes accusations.

Quid de l’Assemblée générale de lundi dernier ?

Il n’aurait jamais eu une Assemblée générale, lundi 23 octobre et cela est constaté par un Procès-verbal d’huissier, assure le Président Clément Capo-Chichi. « L’huissier était là de 15h30 à 17h15et a constaté que la salle de réunion indiquée sur l’invitation et dans laquelle il attendait, aucun commissaire n’est arrivé. Les caméras sont là pour le prouver, les photos aussi », a laissé entendre Clément Capo-Chichi. Selon ses dires, dans le processus de révocation, le membre qui encourt la révocation a droit à un conseil. Tout le long de la procédure, il n’y a pas eu débat contradictoire, pas de présomption d’innocence. Tout était à charge depuis août 2023. « Le 22 septembre où ils ont pris la décision de lancer la procédure de révocation, le vote a donné 8 pour, 1 contre et 1 abstention. Or, l’article 30 du Règlement intérieur dit qu’aucune abstention n’est admise au cours d’un vote. Autrement dit, cette résolution d’enclencher la procédure de révocation contre ma personne est nulle et donc, sur cette base, tous les actes qu’ils ont posés par la suite sont nuls, il y a vice de procédure ». Dès lors, le juge a été saisi pour suspendre la tenue de l’Assemblée générale du 23 octobre jusqu’à ce que le recours porté par le président Clément Capo-Chichi devant la Cour constitutionnelle le 09 octobre pour blocage de l’institution, depuis le mois d’août, ait une suite. L’huissier a été requis pour noter aux intéressés la décision. Mais toute la journée du lundi, ils étaient aux abonnés absents. Quand est-ce que l’Ag s’est tenue alors, se demande Clément Capo-Chichi. Jusqu’à aujourd’hui, aucune notification de décision de révocation n’a été faite au président conformément à l’article 27. C’est sur les réseaux sociaux que le président, l’avocat et l’huissier apprennent que Clément Capo-Chichi a été révoqué par ses pairs alors que la justice n’a rendu aucune décision. « Chez nous-mêmes, quand nous recevons la plainte des citoyens, le contradictoire est la règle. Mais en aucun moment de la procédure, cela n’a été respecté. L’avocat du président n’a pas eu à exercer le droit à la défense, l’huissier n’a pas eu la possibilité de remettre les documents aux concernés ».

L’issue de la crise, selon Clément Capo-Chichi

« Les juridictions ont été saisies, les accusations sont portées contre le président sur les réseaux sociaux. Nous allons utiliser les voix de recours que nous avons pour que les intéressés apportent la preuve de leurs accusations, que justice soit rendue et que réparation soit faite », affirme Clément Capo-Chichi. Le président s’en remet donc aux autorités judiciaires. Il demande aux Commissaires de cesser de porter des accusations sur les réseaux sociaux et d’aller vers les juridictions compétentes pour que le débat soit fait argument contre argument, preuve contre preuve et que la vérité éclate.

Bertrand HOUANHO

Source : Matin Libre

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