Crime contre l’environnement dans la commune de Houéyogbé

L’exploitation minière au Bénin est régie par la loi n°2006–17 portant code minier et fiscalités minières en République du Bénin. Cette loi, qui définit les conditions de recherches et d’exploitation de mines et de carrière, est foulée au pied dans le département du Mono. Dans la commune de Houéyogbé, une alliance mafieuse d’exploitants de carrières de sable et de gravier et d’agents publics excelle dans l’exploitation anarchique et la dégradation de l’environnement.

Epiphane CODJO (CaKi) Cet article a reçu le 3eme prix des meilleures investigations de la presse écrite les faits de corruption Particip

Un quotidien de place a relaté sur son site internet le 06 septembre 2023 le contenu de l’arrêté préfectoral année 2023 n°9/046/PDM/SGD/SPAT/SA/006SGG23 portant interdiction des chargements nocturnes sur les carrières d’exploitation artisanale de ressources minérales (sable et gravier) dans le département du Mono. Un arrêté signé par le préfet Dêdêgnon Bienvenu MILOHIN, président de la brigade mobile de contrôle des carrières de sable et de gravier le 18 juillet 2023.

Dans leurs prérogatives le préfet du Mono Dêdêgnon Bienvenu MILOHIN et le directeur départemental de l’eau des mines du Mono Adjiha Edid AMOUZOUVI font parfois des descentes inopinées dans les carrières de sable et gravier qui relèvent de leur compétence territoriale pour s’assurer du respect de la règlementation par les exploitants de carrières. Le 27 juin 2023, appuyés par les éléments de la police républicaine, une patrouille de la direction départementale des mines du Mono a arraisonné deux camions à la sortie du village de Drè dans l’arrondissement de Sè. L’un des camions transportait du gravier et le second du sable de carrière. Des minerais extraits d’une même carrière contrairement aux prescriptions en la matière. Après un séjour de quelques jours au commissariat de Sè, les camions sont repartis sans leurs contenus déversés sur place. Selon des indiscrétions, A. N. le propriétaire du chargement aurait sorti de l’argent et demander l’intervention des cadres et élus à divers niveaux pour un règlement à l’amiable.

Cette intervention de la direction des mines fait référence à l’article 138 de la loi suscitée pour rappeler à l’ordre les exploitants de carrière du Mono. Mais la suite donnée à ce dossier laisse pantois l’observateur, qui, dans le cas d’espèce, s’attend à l’application intégrale de la règlementation minière en vigueur en République du Bénin, notamment au déferrement devant un tribunal qui a pouvoir de décision.

En effet les autorisations d’exploitations de carrières délivrées par le ministère des mines dans ce milieu, sont accordées soit pour l’extraction exclusive de gravier, soit pour l’extraction exclusive du sable, mais jamais les deux à la fois dans le même périmètre. Dans ce cas-ci, le chantier de provenance de ces chargements ne jouit d’aucune autorisation. Alors que l’article 30 de la loi n°2006–17 portant code minier et fiscalités minières en République du Bénin, précise : Nul ne peut exploiter une mine sans permis d’exploitation. Ces dispositions sont complétées par les articles 42 et 43, qui précisent la loi en vigueur et le périmètre objet de chaque autorisation.

Contrairement aux dispositions de la loi sus indiquée, la saisine et la relaxe de ces camions ont été faites sans l’intervention du tribunal. Selon les confidences, les véhicules ont été remis aux propriétaires suite à des négociations.

Cette affaire cache un trafic illicite d’exploitations de carrières au détriment de toutes les normes prescrites par la loi.

Pour susciter une intervention en sa faveur, A. N. fait état d’un cas pareil qui se serait produit, à « Dévé » dans la commune de Dogbo quelques mois plus tôt. Un camion chargé aurait été pris en flagrant délit, il aurait été libéré après de longs mois de fourrière suite à des démarches auxquelles nous n’avons pu accéder. Le phénomène crève les yeux et les autorités locales s’en préoccupent. La preuve, le 1er juillet 2021 le préfet du département du Mono avait déjà ordonné la fermeture de deux sites illicites dans l’arrondissement d’Athiémé. Huit camions avaient été arraisonnés à Adohou. A Hounkpon c’est un chantier exploité par Ebomaf qui aurait subi le même sort, informe le S/COM préfecture de Lokossa sur sa page Facebook. Le site a publié le 10 août 2021 les informations relatives à la remise des premières autorisations et la sensibilisation des exploitants au respect des nouvelles dispositions.

Sur le terrain, il existe toujours plusieurs carrières illicites tenues par des anciens membres de coopératives ou associations d’exploitants.

Ils ont recours aux autorisations des exploitants qui en disposent, qui perçoivent 5.000 CFA par chargement de 10 mètres cubes. Parfois ils payent un supplément de 5.000 FCFA pour les frais de démarcheurs. Il existe toujours des postes de délivrance de tickets de sortie. Tout ceci au mépris de l’article 20 de la loi portant code minier en république du Bénin qui rend exclusif et individuel le permis d’exploitation minière ou de carrière.

JL, un démarcheur et gérant d’un poste de contrôle déclare avoir de bonnes relations au sein de la direction départementale des mines. Il avoue qu’il suffit d’une autorisation dans une zone pour couvrir tous les exploitants alentours.

A.N. démarcheur et tenancier d’un poste de contrôle déclare ceci : « Quand la délégation de la direction des mines programme des contrôles dans notre village, nos éléments nous informent. Ainsi, nous faisons le tour des carrières pour que les travailleurs vident les lieux avant l’arrivée de la brigade. Le quotidien Matin Libre confirme cette pratique sur son site internet le 19 juillet 2022. L’article relate une descente de la brigade mobile de contrôle le 16 juillet à Lokossa dans des carrières de Djazounkpa dans le village Azizonsa arrondissement d’Agamé. Les ouvriers ont pris la fuite en laissant les outils qui ont été saisis et remis au commissariat d’arrondissement. Au cours de la même opération poursuit l’article, l’exploitant d’une carrière de sable autorisé de Sessouhoué village Adjohoué arrondissement de Ouèdèmè a été épinglé pour non-respect des clauses.

A. N., démarcheur et tenancier d’un poste de tickets dans le village de Drè raconte : « Il est déjà arrivé que la brigade saisisse des outils. Mais incapables de les transporter, elle a fini par les abandonner en pleine route et nous sommes allés les récupérer après leur départ. Certains exploitants installés dans le village utilisent des autorisations obtenues pour d’autres villages qu’ils mettent à la disposition des autres exploitants illégaux. Ils nous livrent ainsi une concurrence déloyale. » poursuit A. N.

Des faits de fraude à haut risque

Un acteur du secteur qui a requis l’anonymat nous confie qu’avec une autorisation reçue pour un terrain.

L’existence d’une autorisation permet à tout un village d’extraire du gravier ou du sable sans conséquence.

Les effets néfastes de ces exploitations anarchiques sont légion.

Il y a une vingtaine d’années, tout passager pouvait remarquer la clôture d’une maison maintenue en place par des morceaux de bois à Drè au bord de la route Lokossa-Comé. Quelques années plus tôt dans ce même village, un vieil homme avait disparu alors qu’il se rendait dans la brousse pour ses besoins parce qu’il n’avait pas de toilette chez lui. Les recherches et les sacrifices pour le retrouver ont été vains. Des années plus tard, les villageois auraient découvert dans une fosse, quelque chose qui ressemblerait à des vieux restes humains. Certains avaient conclu selon notre informateur qu’il s’agirait des restes du vieux disparu. Cette supposition lève le voile sur les risques de pertes humaines. Récemment dame Gbédassi habitante du village de Drè a vu son champ de manioc emporté par une nouvelle exploitation de carrière. L’exploitation des carrières de gravier accélère les effets de l’érosion à Drè, Sè et dans les villages voisins.

Cette situation perdure et les habitants sont obligés d’ériger des digues pour retenir l’eau par endroits pour sauver les habitations. Un phénomène qui accélère d’exode rurale et endigue l’avenir de la jeunesse qui pourrait s’orienter vers la cybercriminalité.

Soucieux de la préservation de l’environnement, l’Etat béninois a promulgué une nouvelle règlementation pour l’exploitation de carrière et les textes d’applications ont été pris. Mais tout usager peut constater que les acteurs continuent leurs activités au détriment des prescriptions de la présente loi. Ils exposent ainsi la communauté aux conséquences de leurs activités illicites. Les villages de la commune de Houéyogbé et ceux de Oumako dans la commune voisine de Comé sont jonchés de mines désaffectées. Certaines sont devenues des pièges à hommes parce que dissimulées par la végétation. Cette situation va certainement se reproduire dans la commune de Dogbo et toutes les autres communes sujettes à l’exploitation de carrière.

Les contradictions

Les dispositions de la loi actuellement en vigueur donnent la possibilité aux autorités départementales et communales, à la brigade mobile de contrôle des carrières du Mono d’effectuer des contrôles pour s’assurer que les titulaires des autorisations en jouissent dans les normes dans le respect des textes. La preuve, le préfet du département du Mono a déjà effectué des descentes sur le terrain pour mettre en garde des exploitants de carrières. Sa délégation a pu relever des irrégularités et mis en garde les contrevenants.

Mais en réalité, il existe un registre et une cartographie claire de toutes les exploitations autorisées et les titulaires sont connus. Quand la superficie n’est pas autorisée, le registre et les chefs de villages et leur conseil peuvent aider à une régulation efficiente. Malheureusement, tous les acteurs se complaisent dans la compromission et, selon les exploitants, il suffit d’avoir de l’argent pour prospérer dans l’illégalité. Mieux, des démarcheurs vont acheter les produits dans les carrières et font toutes les formalités de sortir. Tous les acteurs peuvent être identifiés si la politique s’en écarte.

Note

Après cet article une décision du comité de contrôle a répertorié toutes les carrières autorisées et a procède à l’identification et l’implantation de plaques. Ainsi les conducteurs n’auront plus d’excuses quand ils seront pris en flagrant délit de chargement sur des chantiers illicites.

Source : 24 Heures au Bénin

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