Exploitation des personnes vulnérables : Le Bénin face à la traite des personnes

Décrite comme une forme de criminalité lucrative en pleine croissance, la traite des personnes s’appuie sur le recrutement de victimes par divers moyens, tels que la violence, la tromperie, la contrainte ou la force, aux seules fins d’exploitation. Au Bénin, les serveuses de bars sont victimes de la traite des personnes et les efforts consentis pour éliminer la traite des personnes semblent ne pas être à la hauteur des défis…

Le Bénin est classé parmi les pays dont les gouvernements ne se conforment pas entièrement à toutes les normes minimales pour l’élimination de la traite des personnes, mais font des efforts importants pour se mettre en conformité avec ces normes (niveau 2 selon le rapport du Bureau du département d’État américain chargé de surveiller et de combattre la traite des personnes sur la traite des personnes, ou encore en anglais TIP Report). Le pays stagne dans cette catégorie de pays de niveau 2 depuis plus de cinq ans. Ce qui veut dire, selon les critères américains de classement des pays, que le nombre absolu de victimes de formes graves de traite est très important ou augmente considérablement ; ou encore qu’il n’y a pas eu de preuve de l’intensification des efforts de lutte contre les formes graves de traite des personnes.

Selon ce même rapport 2023 du Bureau du département d’État américain, le gouvernement n’a pas respecté les normes minimales dans plusieurs domaines clés bien que des efforts aient été consentis notamment en ce qui concerne la poursuite et la condamnation d’un plus grand nombre de trafiquants, et aussi  l’identification d’un nombre beaucoup plus important de victimes de la traite et l’orientation de ces victimes vers les services de protection. « Le gouvernement ne dispose pas de services de protection adéquats pour les adultes », renseigne par ailleurs le rapport 2023.  Il est également mentionné l’absence d’un système efficace de collecte de données.

De la notion de Traite des personnes…

En effet, la traite des personnes est décrite comme une forme de criminalité lucrative en pleine croissance, s’appuyant sur le recrutement de victimes par divers moyens, tels que la violence, la tromperie, la contrainte ou la force, aux seules fins d’exploitation. Selon Interpol, les trafiquants utilisent des méthodes de plus en plus élaborées et personnalisées pour cibler et exploiter des personnes vulnérables, avec un profond mépris de la vie et de la dignité humaines.

Selon  l’article  3  du  Protocole  additionnel  à  la  Convention  des  Nations  Unies contre  la  criminalité  transnationale  organisée  visant  à  prévenir,  réprimer  et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (dit « Protocole de Palerme, » adopté en 2000 et entré en vigeur en 2003), la traite des personnes signifie le recrutement, transport, transfert, l’hébergement ou l’accueil des personnes par la  menace  de  recours  ou  le  recours  à  la  force  ou  à  d’autres  formes  de contrainte dont l’enlèvement, la fraude, la tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages. Ceci, pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation. L’exploitation comprend au minimum l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, la servitude, ou le prélèvement d’organes.

Il est donc établi trois aspects fondamentaux du phénomène de la traite à savoir l’acte de recrutement et de transport, les moyens avec lesquels cela est fait, et le but qui doit être l’exploitation. En Afrique de l’Ouest, l’une des formes les plus courantes de traite d’êtres humains est l’exploitation de la main-d’œuvre, qui se traduit différemment d’un pays à l’autre. Le point commun reste la vulnérabilité socio-économique des victimes, associé à l’incapacité des pouvoirs publics de réglementer, d’identifier et de réprimer efficacement les pratiques illicites en raison d’un manque d’outils et de ressources.

La réalité de la Traite des personnes au Bénin..

Selon l’Unesco, le Bénin connaît une traite transfrontalière et interne. Le pays s’est doté d’un arsenal juridique pour renforcer la lutte contre la traite des personnes. Déjà en Août 2004, le Bénin a ratifié le Protocole de Palerme visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants ainsi que la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée. Ceci, après avoir ratifié depuis 2001, la Convention de l’OIT sur les pires formes de travail des enfants. En 2006, le parlement béninois a adopté la loi sur les conditions de déplacement des mineurs et la répression de la traite d’enfants au Bénin. La loi rend la traite des enfants illégale et condamne les trafiquants à des peines de 10 à 20 ans de prison. Par ailleurs, la traite des adultes est interdite dans le code pénal béninois (article 372 et suivants). Le cas échéant, les tribunaux font référence aux articles du code pénal portant sur le proxénétisme. De même, les articles 499 à 504 du Code pénal criminalisent toutes les formes de trafic de main-d’œuvre et certaines formes de trafic sexuel et prévoient des peines de 10 à 20 ans d’emprisonnement.

Les serveuses de bar sont le plus souvent recrutées sur fond de violations des dispositions légales en vigueur en République du Bénin. En effet, si aux termes des dispositions de l’article 05 de la loi n°2017-05 du 29 août 2017 fixant les conditions et la procédure d’embauche, de placement de la main-d’œuvre et de résiliation du contrat de travail en République du Bénin « Tout employeur peut utiliser les services d’un travailleur étranger », l’article 26 de la loi n° 98-004 du 27 janvier 1998 portant code du travail en République du Bénin encadre mieux cette possibilité. «Pendant les deux premières années de sa résidence régulière sur le territoire et sous réserve des dispositions contraires d’un accord ou d’une convention passée par la République du Bénin, tout étranger ou immigrant ne peut exercer une activité salariée qu’en vertu d’un contrat de travail à durée déterminée. »

Il ressort de cet article qu’aucun étranger ne peut valablement travailler au Bénin s’il ne détient un permis de travail dûment délivré par les autorités administratives compétentes. Ledit permis, quoique provisoire, a une durée de validité d’un an, renouvelable autant de fois. Aussi, la perte de l’emploi n’affecte pas sa validité (Article 28 Code du Travail). Selon ladite loi, toute personne physique ou morale, désireuse d’employer de la main-d’œuvre étrangère, doit s’assurer que le demandeur à l’emploi détient un permis de travail valide. Le non-respect de cette prescription par l’employeur est constitutif d’infraction prévue et réprimée par les dispositions de l’article 303 du Code du Travail. Par ailleurs, le contrat de travail doit être écrit et signé par les parties (employeur et employé). Ce contrat est soumis au visa de l’inspecteur du Travail sur présentation du permis de travail. (Article 27 Code du Travail). Aussi, l’employeur doit-il déclarer l’employé étranger à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS).

Conscient de la nécessité de renforcer l’efficacité de la lutte contre la traite des personnes au Bénin, le gouvernement béninois a mis en place depuis 2017, un Comité national de lutte contre la traite des personnes (Cnltp). Seulement, tout laisse transparaitre la nécessité de consentir davantage d’efforts en faveur de l’élimination de la Traite des personnes au Bénin.

Aziz BADAROU

Source : Matin Libre

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