(“La justice est influencée…par l’Exécutif“, des griefs contre la Criet)

L’indépendance de la justice béninoise ou encore la séparation des pouvoirs a toujours été au cœur des débats ces dernières années. Intervenant dimanche, 27 août 2023 sur la radio Peace Fm, l’ancien Président de la Cour suprême, Ousmane Batoko a exprimé ses doutes quant à l’indépendance de la justice au Bénin.

 

“Ce que j’ai regretté et que je regrette encore aujourd’hui, c’est que tout doit être fait pour mettre la justice hors de l’emprise des pouvoirs publics et en particulier, hors de l’influence de l’exécutif… La justice est influencée, elle n’est pas caporalisée“ fait savoir Ousmane Batoko avant d’estimer que tout gouvernement a besoin du soutien de la justice.

Toute chose justifiant des actes visant à avoir la main mise sur la justice. Si, pour lui, les magistrats ne devraient pas en vouloir au gouvernement, aux Gardes des sceaux, au Président de la République de vouloir influencer la justice, il leur revient de trouver l’approche convenable pour se libérer de l’influence de l’Exécutif. “…il appartient aux animateurs de ce Corps d’Etat de tout mettre en œuvre pour ne pas subir de façon continuelle, l’influence de l’exécutif sur certaines décisions…Il n’y a pas de justice à peu près…la justice doit être indépendante“ a-t-il déclaré et ceci, peu importe si au niveau du pouvoir exécutif comme législatif ou des autres pouvoirs, on trouve des passerelles très intelligentes pour garder des liens de complémentarité, de collaboration avec les animateurs de la justice.

Pour Ousmane Batoko, la justice se doit d’être indépendante car on ne saurait parler d’une justice d’à peu près et pour y parvenir, cela ne dépend que des animateurs de la justice eux-mêmes. “Lorsque le gouvernement vous donne des instructions…et vous êtes convaincus que ce n’est pas cela qu’il faut faire, c’est à vous de trouver et le langage et la posture et la manière pour expliquer que ce que veut le gouvernement n’est pas possible du point de vue du droit et de la pratique ou de la jurisprudence. Il faut savoir le dire sans choquer celui qui est en face de vous et qui vous demande quelque chose avec insistance…

C’est important pour rester fidèle à votre serment…C’est au magistrat qu’il revient de savoir poser les actes qui amènent le pouvoir d’en face à reconnaitre la valeur et la nécessité de leur indépendance“ poursuit-il. Il s’est, par ailleurs, réjoui de voir encore des magistrats qui sont restés attachés et fidèles à leur serment. “Dieu merci, il y a encore des décisions qui se prennent conformément au droit et conformément à la loi“.

Des griefs contre la Criet…

S’il a procédé à l’installation officielle de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet), Ousmane Batoko n’exclut pas le fait que cette juridiction spéciale soit également influencée par l’Exécutif. Et de reprocher à la Criet de vouloir aller au-delà de ses domaines de compétences en se montrant compétent à se saisir de presque tous les dossiers. Selon Ousmane Batoko, la Criet ne devrait s’intéresser qu’aux questions impliquant les deniers publics notamment les détournements ou autres crimes économiques liés aux deniers publics, selon les dispositions la régissant.

La Criet a tendance “à tout avaler“, a-t-il déploré. “Je crois au moment je l’installais, j’ai mis ses animateurs en garde contre le phénomène du développement administratif… contre l’instrumentalisation dont elle pourrait faire l’objet de la part du pouvoir exécutif, en particulier du gouvernement“.

Faut-il le souligner, le 27 août 2018 lors de l’installation officielle du Président et du procureur spécial de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme, le procureur général près la Cour suprême a appelé ces derniers à accomplir leur mission en toute conscience. “Une justice, c’est d’abord la conscience… les juges sont les protecteurs séculaires de la loi et de la personne humaine…

Dans une démocratie, le juge ne doit obéissance qu’à la loi et la conscience“ fera-t-il savoir avant de souligner que c’est sous une dictature que la loi et la conscience passent après la volonté du maitre de l’heure.

A.B

Source : Matin Libre

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