La COP 28 et le rôle de l’Afrique dans la lutte contre le réchauffement climatique

Le sommet de la COP 28 s’est achevé en décembre 2023 dans un climat de controverse et de messages contradictoires. D’une part, le fait que les Émirats Arabes Unis, quatrième consommateur d’énergie par habitant au monde (sur 211 pays), accueillent une réunion aussi importante a fait l’objet de vives critiques. Mais il y avait aussi l’ombre d’un gigantesque « Greenwashing » –ou d’une ré-interprétation des urgences climatiques– en raison de l’influence et du sponsoring de puissances étroitement liées aux combustibles fossiles et opposées à la réduction de leur consommation (le Sultan Al Jaber, ministre de l’industrie des Émirats Arabes Unis en est un représentant).

La COP 28 a mis en évidence une réalité urgente : le monde est loin d’atteindre l’objectif de limiter l’augmentation des températures à 1,5 °C. Il s’agit d’une conclusion importante, mais ce n’est pas la seule. Une autre suggère que, pour atteindre l’objectif de limiter le réchauffement à 1,5 °C d’ici à 2030, les émissions mondiales doivent être réduites de 42 % par rapport aux niveaux de 2010. Or, la réalité est que nous ne sommes parvenus qu’à une réduction de 14 %.

Dans ce contexte, l’adoption d’une feuille de route pour la « transition vers l’abandon des combustibles fossiles » peut être présentée comme la plus grande réussite du sommet, cependant, bien qu’il s’agisse d’un événement sans précédent dans l’histoire des COP, l’accord n’a pas été à la hauteur si l´on considere l´absence d´engagements formels.

Particulièrement touchés par la dette (surtout depuis la crise sanitaire provoquée par la pandémie de Covid-19), les pays africains ont concentré leur attention sur la défense du Fonds pour les Pertes et les Dommages et, à la suite de cette négociation, les pays les plus développés ont promis des centaines de millions de dollars de contributions pour aider les pays les plus vulnérables (bien qu’il soit encore trop tôt pour évaluer l’engagement de chacun d’entre eux).

De même, la diplomatie africaine a obtenu des engagements à hauteur de 3,5 milliards de dollars pour relancer le Fond Vert pour le climat, ainsi que d’autres annonces importantes concernant le Fond spécial pour le changement climatique.

Malgré tous ces progrès, une atmosphère d’incompréhension et de suspicion persiste lors des sommets. En effet, depuis les accords de Paris en 2015, les puissances polluantes n’ont pas répondu comme annoncé lors de la création du Fonds vert et les pays africains attendent toujours un engagement sérieux et transparent.

L’Afrique : un acteur clé dans les négociations sur le changement climatique

Comme je l’explique dans mon essai « Afrique : changement climatique et résilience » (Éditions Utopia, 2023), le chemin tortueux que l’Afrique a suivi dans les négociations climatiques révèle, d’une certaine manière, sa situation dans l’ordre mondial. L’image de son impuissance est si claire que son passage dans les accords climatiques pourrait être utilisé comme le miroir d’un système qui marginalise.

Pendant ces dernières 30 années, l’Afrique a été l’un des acteurs les plus importants dans la recherche d’accords environnementaux, même si sa visibilité n’a pas été à la hauteur des efforts déployés. Cette étape historique sinueuse et frustrante, au cours de laquelle le continent a dû affronter de vieux fantômes, pourrait être résumée par les mots du personnage clé du roman d’Alain Mabanckou, « Demain j’aurai 20 ans », qui, avec la franchise et l´innocence des enfants, réfléchit à haute voix sur la présence du Congo –et, par extension, de toute l’Afrique– dans les médias : « Qui va nous demander notre avis ? Notre pays est si petit qu’il est trop souvent oublié dans les médias.

Le rôle de l’Afrique lors des sommets pourrait se résumer à rappeler les engagements de chacun et à empêcher les géants tels que la Chine, les États-Unis et l’Europe, de se retirer pour protéger leurs intérêts. D’ailleurs, s’il fallait faire un film pour illustrer ce processus de négociation lors des sommets sur le climat, le long métrage « Hôtel Rwanda » serait le plus approprié, mais au lieu de voir l’ONU disparaître pour éviter un scénario explosif opposant Hutus et Tutsis, on verrait ici chacune des grandes puissances s’éclipser dans les couloirs pour éviter de se prononcer.

Telle est la triste et sombre histoire des sommets vue sous un angle africain.

Johari Gautier Carmona

Twitter : @JohariGautier

Source : 24 Heures au Bénin

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