Le point sur la sécurité alimentaire: Comment la Banque mondiale réagit à la crise alimentaire

Selon notre dernier point sur la montée de l’insécurité alimentaire, l’inflation des prix alimentaires a dépassé l’inflation globale dans 79,8 % des 163 pays pour lesquels des données sont disponibles.

 

L’inflation des prix alimentaires intérieurs reste élevée à travers le monde. Les dernières données mensuelles disponibles pour la période comprise entre février et mai 2023 font état d’une forte inflation alimentaire dans la plupart des pays à revenu faible et intermédiaire : 63,2 % des économies à faible revenu, 79,5 % des pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure et 67 % des économies à revenu intermédiaire supérieur ont enregistré des taux d’inflation supérieurs à 5 %, un grand nombre d’entre elles affichant même une inflation à deux chiffres. En outre, 78,9 % des pays à revenu élevé connaissent une forte inflation alimentaire. Les pays les plus touchés se situent en Afrique, en Amérique du Nord, en Amérique latine, en Asie du Sud, en Europe et en Asie centrale. En termes réels, l’inflation des prix alimentaires a dépassé l’inflation globale dans 80,1 % des 166 pays pour lesquels des données sont disponibles.

Les indices des prix agricoles, des exportations et des céréales ont clôturé à plus 6 %, 4 % et 10 % respectivement. La remontée des cours du maïs et du blé, qui ont gagné 12 % et 14 % respectivement après un repli dans la première moitié du mois de juillet, a tiré à la hausse l’indice des céréales, tandis que les prix du riz sont restés stables. En glissement annuel, les prix affichent une baisse de 15 % et 17 % respectivement pour le maïs et le blé, et une hausse de 16 % pour le riz. Par rapport aux prix enregistrés en janvier 2021, les cours du maïs, du blé et du riz affichent une augmentation de 8 %, 11 % et 3 % respectivement. (Se reporter aux fiches de données actualisées tous les mois pour suivre l’évolution des indices des prix des produits de base agricoles et alimentaires)

Le 17 juillet 2023, la Russie a annoncé qu’elle ne reconduirait pas l’Initiative céréalière de la mer Noire (a). Dans un contexte de tensions géopolitiques persistantes, les marchés avaient anticipé cette décision et les cours n’ont que peu réagi au retrait de la Russie. Les prix des principales céréales et des oléagineux sur les marchés à terme ont légèrement augmenté et si les cours du blé ont enregistré une hausse de 3 % le 17 juillet, ils sont restés bien en deçà des records observés l’année dernière. De même, les cours à terme du maïs et du soja ont bondi avant de retrouver leurs niveaux d’avant l’annonce de la Russie. Malgré cette décision, les marchés mondiaux des produits de base étaient encore relativement favorables. Le dernier bulletin de veille du Système d’information sur les marchés agricoles (AMIS) (a), publié en juillet 2023, fait état d’une amélioration cette année des prévisions de production de blé dans plusieurs pays, dont le Canada, le Kazakhstan et la Türkiye. Les prévisions pour le maïs sont restées pratiquement inchangées, et les prévisions pour le riz et le soja ont connu des ajustements marginaux.

Le 19 juillet, le gouvernement indien a interdit avec effet immédiat l’exportation de riz blanc non basmati (a) afin de garantir un approvisionnement suffisant et d’atténuer la hausse des prix sur le marché intérieur. Depuis septembre 2002, ce produit faisait déjà l’objet d’une taxe de 20 % à l’export. Bien que cette interdiction soit de nature à faire baisser les prix pour les consommateurs (et les producteurs) indiens, elle risque de faire grimper les cours internationaux et d’entraîner une volatilité des prix, l’Inde étant le plus gros exportateur de riz dans le monde (avec une part de marché de presque 40 %). Elle intervient en outre dans un contexte de préoccupations accrues quant à l’évolution des prix alimentaires internationaux à la suite du retrait de la Russie de l’accord sur les céréales ukrainiennes.

L’édition 2023 du rapport sur L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde alerte sur la progression de la faim et se penche sur les défis et le potentiel de l’urbanisation du point de vue des systèmes agroalimentaires. La faim dans le monde, mesurée par la prévalence de la sous-alimentation, est demeurée relativement stable entre 2021 et 2022, mais se maintient à un niveau bien supérieur à celui enregistré avant la pandémie. Environ 9,2 % de la population mondiale souffrait de la faim en 2022, contre 7,9 % en 2019. Le rapport indique également que 29,6 % de la population mondiale étaient en situation d’insécurité alimentaire modérée ou grave en 2022, dont environ 11,3 % dans le deuxième cas. L’insécurité alimentaire touche de manière disproportionnée les femmes et les personnes qui vivent en milieu rural. En 2021, plus de 3,1 milliards de personnes dans le monde (42 % de la population mondiale) n’avaient pas les moyens de s’alimenter sainement, soit une hausse de 134 millions par rapport à 2019.

L’urbanisation fait évoluer les systèmes agroalimentaires, avec à la clé son lot de difficultés, mais aussi de nouvelles possibilités. Parmi les difficultés figurent la disponibilité d’aliments peu coûteux, trop énergétiques et néfastes pour la santé, l’offre insuffisante de fruits et légumes, l’exclusion des petits agriculteurs des chaînes de valeur structurées, et la perte de terres et de capital naturel sous l’effet de l’expansion urbaine. Mais l’urbanisation peut également permettre le développement d’activités rémunératrices, étendre les chaînes de valeur alimentaires et favoriser l’accès des agriculteurs à des aliments nutritifs.

L’invasion de l’Ukraine par la Russie a donné lieu à une vague de mesures sur les exportations et les importations de denrées. La crise alimentaire mondiale a été en partie aggravée par l’intensification des restrictions commerciales mises en place par les pays dans le but d’accroître l’offre intérieure et de faire baisser les prix. Au 5 juin 2023, 20 pays avaient imposé 27 interdictions d’exportation sur certains produits agricoles et 10 pays avaient adopté 14 mesures limitant les exportations.

L’action de la Banque mondiale

Afin de lutter contre la crise qui touche la sécurité alimentaire, la Banque mondiale a annoncé en avril 2022 qu’elle allait déployer une réponse de grande envergure comprenant notamment une enveloppe de 30 milliards de dollars sur une période de 15 mois, dont 12 milliards en faveur de nouveaux projets. Il s’agit de financer des interventions de court et long terme qui permettront d’améliorer la sécurité alimentaire et nutritionnelle, réduire les risques et renforcer les systèmes alimentaires, en s’articulant autour de quatre axes d’action : i) soutenir la production et les producteurs ; ii) faciliter une hausse du commerce des denrées et des intrants ; iii) soutenir les ménages vulnérables et iv) investir dans une sécurité alimentaire et nutritionnelle durable.

Entre les mois d’avril et de décembre 2022, les engagements de la Banque en faveur de nouveaux prêts en faveur de la sécurité alimentaire et nutritionnelle avaient passé la barre des 12 milliards de dollars, ce soutien étant principalement dirigé vers l’Afrique, l’une des régions les plus durement touchées par la crise alimentaire. Et, un an après son annonce, la Banque a atteint son objectif de 30 milliards d’engagements. En voici quelques exemples :

  1. Le programme de résilience des systèmes alimentaires en Afrique de l’Ouest (766 millions de dollars) vise à mieux anticiper les risques d’insécurité alimentaire et à améliorer la résilience des systèmes agricoles. Il s’emploie notamment à développer les services de conseil numérique pour la prévention et la gestion des crises agricoles et alimentaires, renforcer les capacités d’adaptation des acteurs des filières agricoles et investir dans l’intégration des marchés et les échanges régionaux afin d’accroître la sécurité alimentaire. Un financement additionnel de 345 millions de dollars est actuellement en préparation pour le Sénégal, la Sierra Leone et le Togo.
  2. La deuxième phase du projet pour la sécurité alimentaire et la résilience au Yémen a bénéficié d’un don supplémentaire de 150 millions de dollars (a), qui aidera à faire face à l’insécurité alimentaire, à renforcer la résilience à protéger les moyens de subsistance.
  3. Au Tadjikistan, une aide supplémentaire de 50 millions de dollars (a) contribuera à atténuer les effets de l’insécurité alimentaire et nutritionnelle sur les ménages et à renforcer la résilience de l’agriculture.
  4. En Jordanie, un projet d’un montant de 125 millions de dollars (a) a pour objectif de renforcer le développement du secteur agricole tout en améliorant la résilience climatique, en accroissant la compétitivité et l’inclusion et en assurant la sécurité alimentaire à moyen et long terme.
  5. En Bolivie, un projet d’un montant de 300 millions de dollars permettra d’améliorer la sécurité alimentaire, l’accès aux marchés et l’adoption de pratiques agricoles climato-intelligentes.
  6. Un prêt de 315 millions de dollars aidera le Tchad, le Ghana et la Sierra Leone à mieux faire face à l’insécurité alimentaire et à améliorer la résilience de leurs systèmes agricoles.
  7. Le projet d’appui d’urgence pour la sécurité alimentaire et la résilience, d’un montant de 500 millions de dollars, va accompagner les efforts déployés par l’Égypte en vue d’assurer la continuité de l’approvisionnement en pain des ménages pauvres et vulnérables, renforcer la résilience du pays aux crises alimentaires et soutenir des réformes nécessaires pour améliorer les résultats en matière de nutrition.
  8. Un prêt de 130 millions de dollars en faveur de la Tunisie vise à atténuer les répercussions de la guerre en Ukraine en finançant des importations de blé tendre qui sont vitales pour le pays et en fournissant un soutien d’urgence pour couvrir les importations d’orge pour la production laitière et les besoins en semences des petits exploitants agricoles pour la prochaine campagne céréalière.
  9. Le programme de résilience des systèmes alimentaires pour l’Afrique de l’Est et australe, doté de 2,3 milliards de dollars, aide les pays de la région à accroître la résilience de leurs systèmes alimentaires et leur capacité à agir contre la montée de l’insécurité alimentaire. Il permettra d’améliorer les stratégies interorganisations de riposte aux crises alimentaires, d’intensifier les efforts à moyen et long terme en faveur d’une production agricole résiliente, d’un développement durable des ressources naturelles et d’un accès élargi au marché, et de mettre davantage l’accent sur la résilience des systèmes alimentaires dans l’élaboration des politiques.

Au mois de mai, le Groupe de la Banque mondiale et la présidence du G7 ont officialisé le lancement de l’Alliance mondiale pour la sécurité alimentaire (a), une initiative conjointe qui vise à mobiliser une action immédiate et concertée face à cette crise. Cette Alliance a mis au point un tableau de bord sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle dans le monde (a), qui est accessible au grand public et fournit des informations actualisées aux décideurs mondiaux et locaux pour aider à améliorer la coordination des moyens financiers et des mesures mises en œuvre en réponse à la crise alimentaire.

Les dirigeants de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), du Fonds monétaire international (FMI), du Groupe de la Banque mondiale, du Programme alimentaire mondial (PAM) et de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ont publié une troisième déclaration conjointe le 8 février 2023. Pour éviter l’aggravation de la crise de la sécurité alimentaire et nutritionnelle, ils appellent à l’adoption d’autres mesures d’urgence pour « i) éteindre les foyers de famine, ii) faciliter les échanges, améliorer le fonctionnement des marchés et renforcer le rôle du secteur privé, et iii) réformer et réaffecter des subventions aux effets douteux grâce à un ciblage minutieux et une démarche efficiente ». Dans leur réponse à la crise, les pays devraient concilier les interventions urgentes à court terme et les efforts de résilience à plus long terme.

 

Dernière mise à jour : juil. 31, 2023

SOURCE : Banque mondiale

Source : Matin Libre

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