L’histoire de la libéralisation du marché du Maïs au Bénin

La flambée des prix des produits vivriers d’une manière générale et du maïs en particulier est la source de la grogne sociale actuelle au Bénin. Bien que la production du maïs soit excédentaire en 2023, il est curieux de contacter que la hausse de la production évolue concomitamment avec les prix sur le marché.

Face à ce constat , plusieurs approches sont évoquées ici et là sur la base des expériences du passé. L’Onasa, les boutiques etc…. sans se référer à l’histoire des Dix Ans de Libéralisation du Marché de Mais au Bénin. C’est le titre des travaux de recherche de Anselme Adegbidi Houinsou Dedehouanou Sylvain Kpenavoun Clemens Lutz publiés en December 2003 CDS Research Report No. 20 ISSN 1385-9218., dont votre journal ne fait qu’exploiter des extraits ici.

La présente publication est consacrée aux différentes interventions de l’Etat dans l’environnement institutionnel du marché de produits vivriers en général, et du maïs en particulier. Ainsi après avoir un bref rappel de la politique de l’Etat béninois au regard du commerce des produits vivriers avant 1990, les nouvelles orientations relatives au contexte de la libéralisation seront abordées.

Pour ce faire, la présente publication est organisée en deux sections. La première section sera consacrée aux rôles de l’Etat dans la commercialisation des produits vivriers avant la libéralisation. La deuxième section traitera des nouvelles orientations en matière de politique de commercialisation dans un contexte de libéralisation.

Rôles de l’Etat avant la libéralisation

L’intervention de l’Etat béninois dans la gestion des marchés de produits vivriers et donc du maïs, remonte à 1967 après l’indépendance avec la création de l’Office de Commercialisation Agricole du Dahomey (OCAD), devenu par la suite Société de Commercialisation et de crédit Agricole du Dahomey (SOCAD). Mais c’est à partir de 1975 que le contrôle effectif sur le marché a commencé à se manifester avec la création de plusieurs sociétés dont les missions étaient d’intervenir rigoureusement dans la commercialisation des denrées alimentaires afin de lutter contre la spéculation. Cette politique a visé essentiellement les deux objectifs suivants :

assurer l’approvisionnement des villes en produits vivriers bon marché ;

soutenir et encourager la production agricole.

Pour atteindre ces objectifs, l’Etat s’est donné les instruments de politique dont l’intervention directe de contrôle des prix sur les marchés au moment où les prix sont élevés et l’intervention indirecte par le biais de la stabilisation des prix découlant des importations de produits vivriers. De plus, l’Etat s’est attaché à fixer les prix des principaux produits vivriers sur les marchés domestiques.

La mise en œuvre de ces objectifs de politique de commercialisation de produits vivriers a été accompagnée d’innovations institutionnelles. En effet, plusieurs sociétés et régies ont été créées. Les premières structures d’intérêt sont les Centres d’Action Régionale pour le Développement Rural (CARDER) créés en 1975 pour assurer l’encadrement des producteurs et la commercialisation des produits agricoles. Les deuxièmes structures d’intérêt sont les Régies d’Approvisionnement et de Commercialisation (RAC) créées en 1976.

En fait, la réforme de l’administration territoriale intervenue dans le pays en février 1974 a donné aux collectivités locales la possibilité de créer et de gérer pour leur propre compte des unités économiques en vue de leur permettre d’avoir des ressources fiscales, d’autres sources de revenus susceptibles de favoriser leur développement et leur autonomie financière. C’est dans ce cadre que les régies provinciales ont vu le jour. Près de 60 sociétés régionales ont été créées. Elles ont pour missions : assurer le contrôle et la direction de l’économie au niveau provincial, assurer la stabilité des prix, promouvoir les structures coopératives, etc. Mais le manque de capitaux de départ, l’absence d’infrastructures et surtout la mauvaise gestion ont très tôt conduit ces régies à la faillite. Les Sociétés Provinciales de Commercialisation des produits Agricoles (SOPROCA) ont remplacé les régies. Mais les mêmes problèmes qui ont amené à la disparition des régies ont conduit également à la disparition des SOPROCA.

Une autre structure d’intérêt est la Société d’Alimentation Générale du Bénin (AGB) qui a pris la relève en 1976 d’une coopérative suisse et de la Société Nationale d’Importation du Bénin (SONIB). L’AGB a joui du monopole d’importation du riz, du blé, du maïs, et du sucre. Elle disposait de 17 magasins et super-marchés implantés dans la capitale et les principaux centres urbains. Une structure importante à mentionner ici est la Commission Nationale des Céréales (CNC) créée en 1982 pour assurer la coordination des aides alimentaires. La dernière structure d’intérêt est l’Office National des Céréales (ONC) créé en 1983 en lieu et place de la CNC et ayant pour mission de réguler le marché national des céréales.

En dehors du CARDER et de l’ONC qui ont été restructurées, toutes les autres sociétés ont été dissoutes. En effet, ces différentes structures se sont montrées inefficaces vis-à-vis du système privé qui contrôlait la grande majorité de l’offre commerciale malgré la politique de l’Etat.

Selon Lutz (1994), le CARDER était confronté à la réticence des producteurs qui ne lui livraient que d’infimes quantités de leurs récoltes. Ceux-ci préféreraient livrer leurs produits aux acteurs des circuits privés qui pratiquaient des prix plus attractifs. En outre, les nombreuses attributions ne pourraient permettre au CARDER d’intervenir efficacement dans la commercialisation pendant cette période.

La Banque Mondiale a émis des réserves quant à la viabilité de l’ONC (Ahohankpanzon, 1988). En effet, elle a estimé que l’ONC pourrait avoir des influences négatives sur les paysans à cause du contrôle des prix, ce qui pourrait créer des distorsions de prix et donc favoriser des exportations clandestines. Cependant selon ONASA (1996), l’échec de l’ONC pourrait provenir de l’insuffisance des moyens matériels et humains pour gérer un programme aussi ambitieux, l’Etat n’ayant jamais mis à la disposition de l’office, des moyens financiers à la hauteur des missions assignées. Par exemple, en 1987, sur un besoin de financement de l’ordre de 315 millions de FCFA, l’office n’a reçu au titre des allocations de l’Etat que 20 millions de FCFA, soit 6,34%. L’incohérence de la politique étatique a débouché sur la création ou le maintien de structures parallèles dotées de certaines prérogatives dévolues à l’ONC comme l’AGB et la SONIB. Ainsi, les réalisations de l’ONC ont été nettement et toujours en deçà des objectifs de départ. Alors que l’ONC devrait, au moyen de la collecte d’environ 25% du disponible céréalier domestique commercialisable, réguler le marché, il a rarement réussi à franchir le seuil de 3,30 % (chiffre record de 1985) du maïs (ONASA, 1996).

D’après Ellis (1992), l’échec de l’intervention des structures étatiques dans les pays en voie de développement se situe à quatre niveaux. Le premier niveau est celui du manque d’information sur les conditions réelles d’offre et de demande des marchés formels et informels dans lesquels les privés opèrent. Le second niveau concerne l’intervention de l’état qui consiste à réduire les prix aux consommateurs, entraînant des prix bas au niveau des producteurs ou parfois l’accroissement de déficits budgétaires. Le troisième niveau a trait au mauvais fonctionnement de la bureaucratie qui rend difficile la réalisation des politiques commerciales sur toute l’étendue du territoire national. Enfin, le quatrième niveau est celui de la corruption dans ces structures étatiques.

En somme, les faiblesses qui caractérisent les différentes structures créées par l’Etat ne leur ont pas permis d’atteindre les objectifs qui leur sont assignés. Au plus fort de la politique d’intervention de l’Etat sur les marchés de produits vivriers, les commerçants étaient qualifiés de « véreux ». Les pénuries artificielles soigneusement occasionnées par eux avaient amené les consommateurs à troquer le terme « maïs » contre « nivaquine », tant le produit était rare. La non- pertinence de ces objectifs rend donc inévitable la mise en œuvre d’une nouvelle politique agricole dans le contexte de libéralisation des activités commerciales.

2.2. Nouvelle politique agricole

La nouvelle politique agricole a réorienté les interventions de l’Etat en matière de commercialisation des produits vivriers et les a concentrées au niveau de l’Office National d’Appui à la Sécurité Alimentaire (ONASA). De plus les différentes lois qui régulaient les activités commerciales en général ont été amendées. Cependant, doit-on faire remarquer que ces nouvelles lois ne sont pas encore adaptées au secteur des produits vivriers. Ainsi, cette section abordera successivement les nouvelles missions et acquis de l’ONASA et la réglementation officielle du commerce des produits vivriers.

Missions et instruments de politique de l’ONASA

Notre pays, alors confronté à d’énormes difficultés économiques vers la fin des années 1980s, s’est engagé depuis 1989 dans une série de Programmes d’Ajustement Structurel (PAS) qui s’accompagnent pour son efficacité d’un ensemble de réformes politiques et économiques profondes. Ces PAS intéressent un certain nombre de mesures de stabilisation macro-économique dont la libéralisation des marchés de produits vivriers. Les mesures relatives à ce secteur couvrent essentiellement les réformes institutionnelles devant rendre plus transparente la gestion des structures de commercialisation et les mesures de déréglementation pour assurer une grande flexibilité au fonctionnement du marché.

Désormais, la commercialisation des produits vivriers doit obéir au principe du marché. C’est dans ce contexte que la commercialisation des produits agricoles a été officiellement libéralisée après la Conférence Nationale des Forces Vives de la Nation de février 1990. Dès lors, convient-il de cibler l’intervention des parties prenantes à la commercialisation des produits vivriers pour ne plus retomber dans les incohérences du passé. Ainsi, la Lettre de Déclaration de Politique de Développement Rural du 31 mai 1991 a privilégié les aspects tant institutionnels que réglementaires suivants :

l’ouverture et l’entretien des pistes rurales ;

l’allègement des procédures douanières et d’exportation, puis la discipline

au niveau des services de contrôles routiers ;

le développement de techniques et d’instruments financiers favorisant le

stockage à la ferme et à tous les stades de la commercialisation des

produits agricoles vivriers ;

l’intégration régionale des marchés agricoles et leur protection éventuelle

des importations subventionnées à l’origine ;

la mise en place d’un système d’appui aux exportations et aux commerçants locaux comportant en particulier un système d’information continue sur les prix et les conditions observées sur les marchés national et international ;

une politique nationale de promotion des petites et moyennes entreprises qui assurent la transformation des produits agricoles ou fournissent des services aux agriculteurs.

C’est dans cette logique que l’Office National des Céréales (ONC) et les Centres d’Action Régionale pour le Développement Rural (CARDER) ont été restructurés.

Dans le Programme de Restructuration des Services Agricoles (PRSA) mis en œuvre depuis 1992, le CARDER abandonne son intervention dans la commercialisation des produits agricoles et concentre actuellement son effort sur le suivi-appui-conseil en matière de techniques de production. Une autre tâche du CARDER est le conseil aux organisations de producteurs en matière d’organisation, de gestion et de commercialisation du coton-graine dans les zones productrices. Des conseils allant dans le sens de la commercialisation du maïs comme ce fut le cas du coton, n’entrent pas pour le moment dans les stratégies d’intervention des CARDER.

L’ONC (Office National des Céréales) restructuré aussi en 1992 est devenu l’ONASA (Office National d’Appui à la Sécurité Alimentaire) dont le mandat est défini par le décret N°271 du 23 septembre 1992 et complété par le décret N°96 – 452 du 17 octobre 1996. Les orientations de l’ONASA abandonnent explicitement la mission de régulation à grande échelle au profit de celle d’aide à la prise de décision et d’appui au secteur privé (ONASA, 1996). Aux termes de l’article 3 des statuts portant création, objet social, siège social et fonds de dotation, l’ONASA est chargé du suivi de l’évolution de la production vivrière et des perspectives alimentaires, en s’appuyant sur les autres structures compétentes du Ministère du Développement Rural d’antan (actuellement Ministère de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche, MAEP) ou en liaison avec les autres ministères concernés, résultant de la campagne agricole ; de l’appui au secteur privé ; de la gestion et du suivi de l’information sur les marchés ; du suivi des prix et des flux des produits vivriers ; et du conseil au Gouvernement dans la conduite de sa politique en matière de sécurité alimentaire et d’aide alimentaire au Bénin.

De façon spécifique, l’office est chargé de participer à la promotion du stockage des produits vivriers ; d’assurer, en s’appuyant sur les structures nationales compétentes, l’information au gouvernement et au public sur la situation alimentaire des populations de même que celle des marchés et des prix des produits vivriers à l’intérieur du Bénin et dans la sous- région ; d’étudier, en liaison avec les services compétents du ministère chargé du commerce, les problèmes relatifs à la stabilisation des prix des produits vivriers à l’intérieur de la République du Bénin ; d’aider à une meilleure efficacité du commerce privé des produits vivriers ; de contribuer à la promotion des produits vivriers du Bénin sur les marchés régionaux et internationaux ; et enfin d’apporter un appui au secteur privé dans la commercialisation des produits vivriers.

Ces objectifs nécessitent une définition claire dans la mesure où l’on parle à la fois de la meilleure efficacité du commerce privé et de la stabilisation des prix. En effet, l’efficacité du commerce privé suppose un marché libre alors que la stabilisation rappelle des mesures d’interventions contraignantes. Mais en réalité, la stratégie de stabilisation des prix de l’ONASA consiste à acquérir du maïs sur le marché au moment où les prix sont bas pour le revendre à Cotonou pendant les périodes de rareté.

Dans la mise en œuvre de ces objectifs, le Gouvernement béninois a bénéficié de l’assistance allemande (à travers la GTZ), matérialisée par le projet « Assistance- conseil à l’ONASA en matière de stratégies commerciales ». Ce projet a été orienté vers les insuffisances du secteur privé dans la commercialisation des produits vivriers. Il était planifié pour une durée de 8 ans après une phase d’orientation prévue pour deux ans. Mais cette phase d’orientation est finalement étendue sur trois ans (1989-1992). Cette vision stratégique à moyen terme du projet avait comme finalité principale d’aider les petits et moyens commerçants à résoudre leurs problèmes à travers le renforcement de leurs capacités professionnelles et la promotion d’une dynamique d’entreprise (Alapini,1999). Le projet avait été exécuté en coopération avec le Service Allemand de Développement (DED). En décembre 1993, la phase 1 (1993- 1996) du projet a été élaborée. Cette phase, appelée « phase de promotion », a pour objectif d’augmenter le degré de libéralisation du commerce des produits vivriers de base. Les décideurs des organismes publics et parapublics chargés des questions de sécurité alimentaire et de commercialisation, le personnel de l’ONASA, les producteurs ainsi que les populations en insécurité alimentaire, les commerçants des produits vivriers ainsi que les collaborateurs des autorités publiques, communales ou privées régissant les marchés sont les groupes cibles visés directement ou indirectement au cours de cette phase.

L’évaluation à mi-parcourt (Alapini,1999) a conclu que les objectifs de la phase 1 ont été atteints. Il s’agit de l’ébauche d’une politique claire de commercialisation des produits vivriers ; de l’exercice de la concurrence sur le marché des produits céréaliers (maïs) dans le cadre des opérations triangulaires d’aide alimentaire ; et de l’amélioration de la transparence du marché des produits vivriers à l’intérieur du pays. Même si on devrait s’accorder sur ces résultats, on pourrait s’interroger sur les indicateurs sur lesquels se fonde cette évaluation. Ce qui est sûr, une deuxième phase dite de « consolidation » a été initiée afin d’assurer de façon durable l’efficience du marché des produits vivriers. Toutefois, les résultats de la première phase ont permis l’organisation d’un nouvel atelier en novembre 1995 pour formuler la deuxième phase du projet (juillet 1996 – juin 1999). L’objectif de cette phase 2 du projet dite de « consolidation » est d’améliorer la commercialisation des produits alimentaires de base en République du Bénin ou d’assurer de façon durable l’efficience du marché des produits vivriers. Le renforcement de la capacité d’intervention de l’ONASA et l’auto-promotion des commerçants et autres utilisateurs des marchés sont les principaux résultats de cette phase. Ces résultats ont conduit à la formulation de la troisième phase (1999-2001) dont l’objectif était « le renforcement ou l’appui aux organisations d’auto-promotion dans le secteur de la commercialisation des produits vivriers′′.

En somme, de manière itérative, un cadre formel des missions des différents acteurs dans la commercialisation de produits vivriers a pu être élaboré. L’Etat béninois a bénéficié de l’appui de la coopération allemande pour doter chacun des groupes d’acteurs des capacités adéquates afin de garantir l’efficacité sur le marché de produits vivriers. Ce qui a permis à l’ONASA d’avoir un certain nombre d’acquis qui seront abordés dans la sous-section suivante.

Acquis de l’ONASA

Les acquis de l’ONASA plus de dix ans après la libéralisation des activités commerciales, peuvent être appréciés à travers huit aspects. Le premier aspect est relatif à l’ensemble des actions entreprises dans la perspective d’une meilleure connaissance de la situation alimentaire du pays. Ainsi, toute une série d’études monographiques et de filières d’un certain nombre de produits a été réalisée.

Le second aspect a trait aux opérations visant la connaissance, la formation et la promotion des acteurs intervenant sur le marché des produits vivriers. En effet, suite à une série d’études d’identification des principaux acteurs du marché des produits vivriers, l’office a entrepris de leur donner une formation sous forme de séminaires thématiques autour des préoccupations de gestion de stocks, de tenue de comptabilité, d’organisation, d’actualisation de la législation sur le commerce des produits vivriers et de la définition des normes de qualité. Dans ce contexte, un guide d’ import / export des produits vivriers a été élaboré en Septembre 1995. Ce guide est une amélioration du manuel d’importation et d’exportation des produits vivriers de base déjà édité en Novembre 1992 par le projet GTZ- ONASA.

Plusieurs rencontres périodiques ont aussi servi de cadre de discussion et de partage pour les représentants des commerçants en ce qui concerne les efforts d’organisation. De même, la capacité d’intervention de l’ONASA s’est renforcée à travers la formation de son personnel. Par ailleurs, des voyages d’information à l’intention des commerçants ont été organisés. Ces voyages s’inscrivent dans le cadre d’un partenariat devant permettre aux commerçants sélectionnés de nouer des contacts avec leurs homologues des pays visités : France, Allemagne, Niger, Burkina-Faso, Zimbabwe, Afrique du Sud. Toutefois, seuls quelques commerçants ont pu bénéficier de ces formations dans la mesure où des restitutions sont rarement effectuées à la base. Au cours de nos enquêtes, certains commerçants ne sont même pas au courant de la tenue de ces formations.

Le troisième aspect concerne, outre l’élaboration d’un Programme National Complet de Sécurité Alimentaire (PNCSA), la formulation d’une ébauche de politique de sécurité alimentaire.

Le quatrième aspect est relatif à la création et la promotion des associations formelles de commerçants. Ainsi, trois organisations régionales de commerçants de produits vivriers ont été créées : le Groupement des Commerçants de Produits Vivriers du Borgou/Alibori (GCPV- Borgou/Alibori) créé en 1997 avec des antennes ou cellules de base déjà installées dans les différentes sous-préfectures, le Groupement des Commerçants de Produits Vivriers de l’Atacora/Donga (GCPV- Atacora/Donga) créé en 1998 avec ses cellules de base déjà installées et le Réseau des Commerçants de Produits Vivriers du Bénin ( RECOPROV- Bénin) créé en 1998 et qui regroupe les acteurs résidant dans les départements de l’Atlantique et d’Alibori, du Mono et du Couffo, de l’Ouémé et des Plateaux, du Zou et des Collines avec des groupements de base installés dans quelques sous-préfectures.

Le cinquième aspect concerne la construction de magasins de stockage dans quelques marchés formels de produits vivriers. Les bénéficiaires, c’est à dire les commerçants ont contribué à hauteur de 10 à 20% du coût total de réalisation de ces infrastructures. Avant la cession des magasins, les bénéficiaires ont été formés dans la gestion comptable et financière, puis dans les stratégies d’entretien des magasins. C’est un acquis important à l’actif de l’ONASA.

Le sixième aspect est représenté par le stock tampon (400 à 500 tonnes par an) constitué en lieu et place de l’énigmatique stock de régulation qui n’a jamais bien fonctionné au temps de l’ONC. L’ONASA procède à la vente du maïs au moment où les prix sont exagérément élevés, (selon leur perception) mais avec l’objectif de réduire les prix sur le marché. La différence du prix de cession sur le prix d’achat du maïs de l’ONASA est destinée à compenser les différents coûts engagés dans cette opération. C’est ce que l’ONASA définit par processus de stabilisation des prix.

Le septième aspect concerne la participation à but lucratif de l’office aux opérations triangulaires d’aides alimentaires. Par l’intermédiaire de l’ONASA, beaucoup de commerçants ont déjà participé à ces opérations triangulaires d’aides alimentaires pour le PAM, le HCR au Bénin et en direction du Niger et du Cap Vert. Cette expérience constitue d’autant plus un acquis à consolider qu’elle apparaît comme une esquisse de recherche de débouchés extérieurs pour les produits vivriers béninois.

Le huitième aspect qui se veut être l’un des piliers de la nouvelle stratégie d’intervention de l’ONASA est le Système d’Information et d’Alerte Rapide (SIAR). Ce système mis en place par la FAO au Bénin, contrairement aux pays sahéliens, combine deux fonctions essentielles à savoir : le suivi de l’évolution de la campagne agricole et le suivi du fonctionnement des marchés (prix des produits et flux). Ce dispositif d’information utilise trois moyens principaux. Le premier moyen visé est la diffusion hebdomadaire par la radio nationale des relevés de prix sur quelques marchés périodiques. Cette diffusion se fait dans les principales langues du pays. Mais depuis 2000, certaines radios rurales locales et régionales ont été impliquées dans ce processus d’information. On peut citer la ′′FM Noon-soria′′ de Bembéréké, la ′′Solidarité FM′′ de Djougou, ′′Ilema′′ de Dassa, la ′′FM Kouffé′′ de Bassila, la ′′Sa Tii Dera′′ de Nikki, la ′′Cité′′ de Savalou, la ′′Deeman′′ de Parakou, la radio ′′Carrefour′′ de Bohicon, la radio ′′ Tokpa′′ de Cotonou, la radio ′′Wèkè′′ de Porto-Novo, les radios de Banikoara, de Tanguiéta, d’Ahémé, de Ouaké, de Ouessè et la radio régionale ORTB de Parakou. Toutefois, la diffusion dans le Sud du pays par les radios privées a seulement commencé en 2001.

Les tableaux d’affichage sur les places de quelques marchés périodiques constituent le deuxième moyen d’information mis en place par l’ONASA. Ces tableaux présentent les prix sur trois marchés importants pour la zone concernée dont Cotonou. Ces prix, exprimés en unité locale et en kilogramme, sont relatifs à quatre principaux produits vivriers de la zone abritant le marché.

Le dernier moyen d’information qui constitue incontestablement le plus important et le plus saisissable acquis du SIAR, est la Lettre d’Information sur la Sécurité Alimentaire du Système d’Alerte Rapide (LISA-SAR). C’est une note d’information mensuelle sur la situation alimentaire du pays. Elle est publiée de façon ininterrompue depuis février 1989. Le dispositif a été soutenu et renforcé dans le cadre du projet.

Ces différentes actions ont certainement eu d’impacts sur le fonctionnement du système de commercialisation des principaux produits vivriers. L’analyse de ces différents acquis nous permettra de voir en quoi ils ont contribué à réduire les différentes imperfections qui handicapaient le fonctionnement du système de commercialisation des produits vivriers. Cette analyse fera l’objet des chapitres ultérieurs. Mais comment les différentes réglementations qui régissaient le fonctionnement des produits vivriers avant le processus de la libéralisation dudit secteur ont-elles évolué ? Sont-elles actuellement adaptées aux conditions de vie des commerçants de produits vivriers locaux ? Ces questions constituent la préoccupation de la section suivante.

Réglementation officielle du commerce

Dans l’économie du marché, l’Etat est garant de la réglementation et joue le rôle d’arbitre. A cet effet, il définit le cadre, les conditions d’exercice et la gestion des contentieux liés aux activités commerciales (les règles du jeu). Dans cette sous section, nous allons discuter du cas précis de la commercialisation des produits agricoles. Il faudrait déjà signaler que les règles ne sont pas spécifiquement définies par rapport à la commercialisation des produits vivriers.

S’agissant du cadre d’exercice lié à la commercialisation des produits agricoles, tout individu désireux d’être commerçant de produits agricoles doit avoir le titre d’acheteur ou de négociant. L’article 9 du décret N°87–351 du 23 octobre 1987 et l’article 2 de l’arrêté N°029/MCT/D-CAB/DCI/SACPA du 31 mars 1994 définissent clairement ces deux concepts.

Est considérée comme acheteur de produits agricoles, toute personne physique ou morale de nationalité béninoise qui, ayant la qualité de commerçant, procède habituellement à la collecte primaire des produits agricoles auprès des producteurs pour son propre compte ou celui d’un négociant.

Est considérée comme négociant de produits agricoles, toute personne physique ou morale ayant la qualité de commerçant et qui, pour les besoins de ses activités, procède habituellement au commerce de gros des produits agricoles dans le but de les rétrocéder ou de les exporter en l’état ou après transformation.

A cet effet, l’exercice des activités commerciales est subordonné aux conditions suivantes : être inscrit au registre du commerce, être titulaire d’une carte professionnelle de commerçant, être inscrit à la chambre de commerce et d’industrie du Bénin.

Selon la loi N°90-005 du 15 mai 1990, en son article 1er, l’exercice des activités commerciales et les prestations de services réputés commerciaux sont libres en République du Bénin. Mais en ce qui concerne les produits agricoles, le décret N°87–351 du 23 octobre 1987 stipule en son article 1er que les opérations de commercialisation de ces produits ne peuvent être effectuées que sur les marchés officiels conformément aux textes définissant les conditions de déroulement des campagnes de commercialisation.

En ce qui concerne les conditions d’exercice du métier d’acheteur ou de négociant, les articles 17 et 18 du décret N°87–351 du 23 octobre 1987 stipulent respectivement que : « Tout négociant ou acheteur de produits agricoles doit disposer d’une bascule en parfait état portant le poinçon de vérification périodique. A toute réquisition des Représentants de l’Autorité, il doit présenter sa carte et justifier de la possession d’un ticket d’inspection ou d’un bulletin d’expertise des produits qu’il détient et que tout négociant ou acheteur de produits agricoles est tenu de délivrer à chaque opération d’achat un reçu extrait d’un carnet à souche numéroté portant son nom, et indiquant la nature, le poids, la qualité du produit acheté, ainsi que la somme payée et la date de l’opération. Ce reçu devra porter la signature de l’acheteur et celle du vendeur ».

On constate que cette réglementation qui n’est d’ailleurs pas spécifique à la commercialisation des produits vivriers, n’a pas tenu compte de la segmentation existante dans la chaîne de commercialisation de produits vivriers. En effet, les détaillants, les grossistes, petits, moyens ou grands, les collecteurs et parfois les producteurs sont les principaux acteurs de ce système. Ces petits commerçants (détaillants, collecteurs locaux, etc.) qui fonctionnement avec de faibles capitaux ou parfois avec le capital des grands grossistes peuvent-ils avoir des cartes professionnelles ? Pourquoi les qualifications requises pour l’exercice de la fonction de commerçant de produits vivriers ne peuvent-elles pas s’adapter à ces différentes catégories de commerçants ? Par ailleurs, les unités de mesure de produits vivriers utilisées sont le « togolo », le » yorogou », le « sogo », le  » erêbè », etc. et aucun commerçant de ces produits n’utilise de bascule. On peut facilement comprendre que ces textes sont beaucoup plus orientés vers les produits agricoles de rente.

Par rapport aux activités d’import-export, l’article 30 de la loi N°93-007 du 29 mars 1993 portant amendement de la loi N°90-005 du 15 mai 1990 qui a fixé les conditions d’exercice des activités de commerce en République du Bénin vient préciser que l’importation de marchandises de toutes origines ou provenances avec ou sans transfert de devises est libre en République du Bénin. Mais suivant l’article 31 de ladite loi ces dispositions ne font pas obstacle aux interdictions ou restrictions d’importation, d’exportation ou de transit, justifiées par les raisons de moralité publique, de sauvegarde de l’économie nationale, de la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de préservation des végétaux, de la protection d’éléments du patrimoine national ayant une valeur artistique, historique, ou archéologique et de la protection de la propriété industrielle et commerciale.

Mais selon l’article 35 de la loi N°90-005 du 15 mai 1990 fixant les conditions d’exercice des activités de commerce en République du Bénin, les exportations de marchandises réalisées à partir du territoire douanier national sont effectuées sur simple autorisation de la Direction chargée du Commerce Extérieur. Par ailleurs, l’article 3 de l’arrêté N°311/MCAT/D-CAB/DCI du 3 décembre 1990 fixant la liste des produits soumis à déclaration obligatoire des stocks précise que les industriels et les négociants de produits agricoles sont astreints à la déclaration des stocks des différents produits qui font l’objet de leur industrie ou de leur commerce.

Les infractions ou tentatives d’infraction aux dispositions des différentes lois, décrets ou arrêtés doivent être punies des peines prévues par les textes législatifs et réglementaires en vigueur. Ces textes définissent la nature des litiges et les modalités de leur résolution. En ce qui concerne le commerce intérieur, la promotion et l’arbitrage des activités commerciales sont assurés par la Direction de la Concurrence et du Commerce Interne (DCI). Les Directions Départementales de la Concurrence et du Commerce Interne sont des structures décentralisées qui doivent assurer ces tâches au niveau des départements. Cette direction est chargée entre autres, de permettre aux consommateurs d’avoir des prix compétitifs sur les marchés et d’avoir accès aux produits en qualité et en quantité répondant aux normes requises. De plus, la DCI est chargée d’éviter aux acteurs commerciaux, des pratiques de concurrence déloyale qui conduisent à des monopoles ou à la sortie de certains acteurs du secteur formel. En conséquence, la DCI fait des contrôles spontanées ou des contrôles suite à des plaintes formulées par certains acteurs. Actuellement, cinq catégories de produits sont soumis à des prix réglementés. Il s’agit des produits pharmaceutiques, des produits pétroliers, l’eau et l’électricité, le pain, certaines fournitures scolaires et de bureau. Selon le Directeur de cette structure, la commercialisation des produits vivriers est totalement libéralisée et les prix ne sont soumis à aucune réglementation. Toutefois, des pratiques qui handicapent la compétition doivent être éradiquées. Les chapitres qui suivent vont mesurer et préciser l’utilité des services de la DCI sur le terrain.

En somme, l’Etat a effectivement réorienté ses interventions en ce qui concerne la commercialisation des produits vivriers. L’ONASA a explicitement abandonné la mission de régulation à grande échelle au profit de celle d’aide à la prise de décision et d’appui au secteur privé. Plusieurs acquis sont à l’actif de cette structure. Des règles ont été aussi revues. Toutefois, la réglementation n’a pas couvert tous les aspects de la commercialisation des produits vivriers et de ce fait, demeure complexe pour une bonne organisation de l’environnement institutionnel, garant de la concurrence et de la compétition. En conséquence, la majorité des commerçants n’évoluent que dans l’informel puisque le formel n’a pas tenu compte de leurs conditions. Mais, qu’est-ce qui a pu réellement changer dans la structure du marché de maïs plus de dix ans après la libéralisation effective des marchés de produits vivriers ? Telle est la préoccupation du chapitre qui va suivre.

La suite dans nos prochaines publications

Extrait de Dix Ans de Libéralisation du Marché de Mais au Bénin pp 21 à 32

Source : 24 HEURES AU BENIN

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