Non-paiement des sursalaires aux agents des Mairies : A quand la fin de ce méli-mélo sur fond d’injustice notoire ?

Entre indifférence, incompétences et injustices, la réforme du secteur de la décentralisation est au bord de la putréfaction. Cette assertion qui pourrait de prime abord être taxée de propos subjectifs ou partisans, trouvent cependant son fondement dans les faits avérés qui suivent.

 

Dans sa parution du mardi 06 février 2024, votre journal dénonçait le mode de sélection des cadres techniques des mairies comme étant le motif principal à la base du recul observé au niveau des communes du Bénin, depuis avril 2022 que la réforme du secteur de la décentralisation a pris corps. Pour rappel, les objectifs de la réforme d’opérer la séparation entre le politique et l’administratif d’une part, et d’autre part de mettre à la disposition des communes, des compétences nécessaires à leur décollage.

Malheureusement, les premiers pas de la réforme ont été caractérisés par des balbutiements dont les effets sont bien perceptibles deux ans après la prise de fonction des premiers Secrétaires exécutifs. Certes, avant la réforme, les communes ne débordaient pas de supers cadres techniques, mais avec ceux qui y officiaient, le résultat n’était pas aussi piteux qu’il l’est à présent. Le recul est flagrant et refuser de l’admettre relève de la mauvaise foi. Tout se passe comme si la réforme a été juste un prétexte pour régler deux desseins funestes : fragiliser les maires en vue de leur caporalisation totale d’une part, et d’autre part, caser des partisans, amis et parents chèrement rémunérés et grassement entretenus aux frais de la princesse pour des résultats qui laissent à désirer.

Injustice et méchanceté ; deux génomes de l’ADN de la réforme

A l’issue de sa session du 07 décembre 2022, le relevé du Conseil des ministres mentionnait ce qui suit : « …il en ressort une logique de revalorisation alliant justice sociale et volonté de prendre en compte TOUS LES TRAVAILLEURS ». La mesure de revalorisation du point indiciaire et celle du paiement de sursalaires à tous les travailleurs du secteur public venait d’être ainsi prise. Deux décrets ont été pris dans la foulée pour acter cette décision saluée par l’ensemble des travailleurs de l’administration publique y compris les agents des collectivités territoriales. « Trop beau pour être vrai », avaient alors déclaré certains syndicalistes qui y voyaient un stratagème pour apaiser la furie des centrales syndicales très remontées contre le pouvoir. Et quelques semaines plus tard, vlan ! Les saints Thomas avaient eu raison.

Alors que les collectivités ont tout naturellement commencé à appliquer les mesures de revalorisation du point indiciaire et de paiement des sursalaires, c’est un message radio du ministre de la décentralisation en date du 07 mars 2023 qui atterrit comme un coup de massue sur la tête des agents des mairies. En résumé, le ministre Raphaël Akotègnon demandait aux communes de surseoir à l’application des deux décrets présidentiels de son chef Patrice Talon. Vous avez bien entendu ! un message radio qui vient surseoir à l’application de deux décrets présidentiels. Et depuis lors, c’est silence radio ! Plus personne ne se préoccupe de cette situation. Pendant ce temps, dans les mêmes communes, les agents tirés au sort, perçoivent mensuellement des millions et accentuent allègrement les mauvaises pratiques du passé.

Interpellé par un député de l’opposition, le ministre a déclaré tout de go que les agents des collectivités ne sont pas concernés par la mesure. Qu’est-ce cela si ce n’est de l’injustice et de la méchanceté quand on sait que les agents de la fonction publique territoriale sont régis par le même statut que celui de la fonction publique d’Etat (loi n° 2015-18 du 1er septembre 2017 portant statut général de la fonction publique).  Quelle est cette logique à double vitesse que le gouvernement de la rupture fait perdurer depuis lors ?

Des justifications à la limite du mords-moi le nœud

Très mal à l’aise lors de son passage devant la représentation nationale, le ministre de la décentralisation affirmait : « le message radio du 07 mars 2023, vise à éviter des situations d’injustice et d’iniquité que pourrait créer une application discriminée de la décision, car même si une minorité de communes l’avaient commencé, la majorité ne le pouvaient, pour insuffisance de ressources propres. Ce qui appelle un concours de l’Etat. L’estimation de cet appui est en cours.

Il sera réparti selon les besoins de chaque commune. En attendant, il fallait donc réguler… ». Cette déclaration du ministre est à tomber à la renverse. Le fait de ne pas appliquer la mesure aux agents des communes et la circonscrire uniquement aux agents de la fonction publique d’Etat n’est-il pas inique et injuste ? Bien sûr que oui ! Les communes avant la réforme ne supportaient-elles pas le paiement de leur personnel ? Bien sûr que oui ! Pourquoi le secrétaire exécutif et le Maire de Cotonou ne sont pas rémunérés au même taux que leurs homologues de Parakou, de Bassila, de Pehunco ou de Lokossa ? C’est parce qu’il existe un décret portant catégorisation des communes et cette catégorisation est fonction de plusieurs critères dont le niveau de mobilisation de ressources financières.

Le ministre a-t-il méconnu ce décret ainsi que le statut général de la fonction publique ? Sinon, au nom de quelle justice et de quelle équité le ministre Akotègnon veut-il qu’une commune qui dispose des ressources nécessaires s’abstienne d’appliquer deux décrets présidentiels si clairs, sous prétexte qu’une autre commune ne disposerait pas de ressources à cette même fin ?

A quand la fin de cette injustice ?

« Cette mesure est temporaire. Elle tombera d’elle-même dès la prise d’une décision spécifique relative à la revalorisation des salaires des agents des collectivités territoriales ; décision spécifique qui ne saurait d’ailleurs tarder », disait le ministre en avril 2023 à Porto-Novo. L’estimation d’un supposé appui du gouvernement peut-il durer depuis tout ce temps ? C’est à croire que ce gouvernement qui se vante de ne pas faire dans l’improvisation et de tout prévoir au micron près, a bien fait dans l’improvisation sur ce coup. A moins qu’il s’agisse d’une volonté manifeste de maintenir le grand nombre des personnels communaux dans la précarité.

M.M

Source : Matin Libre

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