Polémique autour de la commercialisation du soja : La preuve que le gouvernement avait tout prévu…

Depuis ce lundi, 1er avril 2024, une nouvelle décision concernant la commercialisation du soja au Bénin est entrée officiellement en vigueur. Le décret 2022-568 du 12 octobre 2022 interdit désormais l’exportation du soja grain et de noix brutes de cajou. Et ce, à partir du 1er avril 2024. Une décision qui démontre bien que toute la polémique née de certaines décisions du gouvernement ces derniers mois, semble n’avoir qu’une finalité : l’application du présent décret…

L’interdiction de l’exportation du soja grain et de noix brutes de cajou est désormais en vigueur au Bénin. A travers une note circulaire en date du 29 mars 2024, la Directrice générale des douanes, Adidjatou Hassan Zannouvi a rappelé que désormais, les exportateurs doivent être agrées par le ministère chargé du commerce. “En conséquence, toute opération d’exportation des noix de cajou ou du soja grain sera subordonnée à la délivrance d’une autorisation du ministère chargé du commerce qui s’assure au préalable de la satisfaction effective des besoins de transformateurs locaux“ précise le communiqué de la Directrice générale des douanes. Si, selon ledit communiqué, pour exporter le soja, il faudra se faire délivrer un agrément, il importe de préciser que la politique gouvernementale reste de prioriser une transformation locale du soja. Il est donc évident qu’il serait inutile de s’engager dans un quelconque processus d’obtention d’une quelconque autorisation d’exportation. Encore que le communiqué mentionne bien que le ministère chargé du commerce “ s’assure au préalable de la satisfaction effective des besoins de transformateurs locaux“. Le décret porte bien mention de l’interdiction de l’exportation du soja grain en République du Bénin.

Le paradoxe…

Le paradoxe, c’est qu’il y a encore quelques mois, le gouvernement prenait une décision qui a visiblement tôt fait de susciter l’euphorie dans le rang des producteurs et exportateurs. En effet, le 16 novembre 2023, le gouvernement béninois, à travers un communiqué, a annoncé qu’au titre de la campagne de commercialisation du soja grain 2023- 2024, « le commerce du soja grain est libre sur l’ensemble du territoire national ».  « Ainsi, les opérations d’achat, de vente, de transport, les prix, les dates de démarrage et de fin des opérations, sont librement fixés par les acteurs. L’exportation du soja est libre, sans agrément et se fait exclusivement par le port de Cotonou. La contribution à la recherche et à la promotion agricole (CRA) perçue au cordon douanier, à la charge exclusive des exportateurs, est désormais fixée à 30 FCFA par kilogramme de soja grain au lieu de 140 FCFA au titre de la campagne écoulée » renseigne ladite décision du gouvernement.

Alors que beaucoup y voient une certaine libéralisation du commerce, la réalité serait pourtant toute autre. Pour la plupart, le gouvernement avait finalement lâché prise face à la réaction des producteurs qui tiennent à exporter leur produit et le vendre à un prix plus avantageux. Mais en réalité, à l’analyse de ladite décision, il est clairement précisé que l’exportation du soja n’est possible que via le Port autonome de Cotonou. Un détail important qui suscite moult interrogations. Quelles sont les implications d’une telle et unique possibilité offerte aux producteurs ou commerçants ? Qui peut ou qui est en mesure de satisfaire aux exigences d’exportation via la plateforme portuaire de Cotonou ? Et si cela suppose qu’il faudra s’offrir les services d’un navire, est ce que cela ne reviendrait davantage coûteux aux producteurs et commerçants ? Est-ce une manière pour le gouvernement de faire semblant de fléchir tout en maintenant toujours un moyen de pression ?

S’il est évident que les producteurs et commerçants ont toujours émis le souhait de pouvoir exporter par voie terrestre, le soja, il est clair que sur ce point, le gouvernement n’entendait pas rebrousser chemin. Pas question de faire sortir le soja du pays par voie terrestre. La bombe paraissait encore loin d’être désamorcée et le désamour pourrait bien encore durer…Et tout ceci semble bien ficelé pour baliser le chemin à la mise en œuvre du décret portant interdiction de l’exportation du soja grain en République du Bénin…

La polémique faisait-elle partie de la stratégie ?

La commercialisation du soja a été, ces derniers mois, au cœur d’une vive polémique. Alors qu’en sa séance du Conseil extraordinaire des ministres du mercredi 21 décembre 2022, le gouvernement a décidé de mettre fin à la pratique de fixation du prix plancher du soja et de permettre aux producteurs de vendre librement leurs récoltes au mieux de leurs intérêts, et en fonction de l’évolution du marché“, les producteurs et exportateurs n’ont pas tardé à se faire entendre, dénonçant une menace de leurs intérêts. Si le gouvernement estimait vouloir rendre service aux producteurs, ces derniers pensent plutôt le contraire. En effet, par décret n° 2022- 419 du 20 juillet 2022 portant fixation de nouvelles redevances à l’exportation du soja et du riz paddy, en soutien aux prix des intrants agricoles, le gouvernement avait institué de nouvelles redevances à l’exportation du soja et du riz Paddy. Selon l’article 2 dudit décret, il sera désormais perçu une redevance supplémentaire de 100FCFA par kilogramme de soja grain exporté et 50FCFA par kilogramme du riz paddy exporté. Selon le décret, les redevances sont perçues au cordon douanier et versées au trésor public. Une taxe supplémentaire de 100FCFA qui portait à 140Fcfa, la redevance perçue par kilogramme de soja exporté. Ce qui a fait d’ailleurs déborder le vase.

Si la polémique a perduré malgré les tournées gouvernementales de sensibilisation, tout laisse croire que la politique gouvernementale concernant le soja semble bien être orientée vers l’interdiction de l’exportation du soja. Et la polémique est perçue par certains observateurs comme un moyen de tester la réaction des producteurs. Les nouvelles taxes supplémentaires seraient-elles donc instituées à cet effet ?

En tout cas, en sa séance du Conseil des ministres du 12 octobre 2022, le gouvernement a décidé des conditions de mise en œuvre de l’interdiction d’exportation des noix brutes de cajou et du soja grain. “En vue de favoriser l’implantation d’industries de transformation agroalimentaire, source d’emplois et de plus-value pour l’économie nationale, le Gouvernement avait notamment adopté le décret n° 2022-214 du 30 mars 2022 portant conditions de déroulement de la campagne de commercialisation 2021-2022 des noix de cajou. Ce texte précise que l’exportation des noix brutes de cajou est interdite, pour compter du 1er avril 2024. Afin de soutenir cette dynamique d’industrialisation amorcée, il y a lieu de prendre également en considération le soja dont la production connaît un accroissement considérable, passant de 156.900 tonnes en 2017 à 253.953 tonnes en 2021“ précise le compte-rendu du Conseil des ministres. Ainsi, à partir du 1er avril 2024, l’exportation du soja grain ne serait plus possible sans transformation. Et la stratégie semble bien avoir réussi malgré la polémique !

A.B

Source : Matin Libre

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