(Les vérités du député Kamel Ouassagari au ministre en charge du transport)

 

Hier, mercredi 21 juin 2023, au Palais des gouverneurs, le ministre du Cadre de vie et du transport José Tonato a répondu à la question orale sans débat posée par le député Kamel Ouassagari au sujet du poste péage et pesage de Tigninti situé à environ 15 kilomètres de la commune de Natitingou. Mais les réponses du ministre n’ont pas satisfait le député de l’opposition qui a dressé un sévère réquisitoire sur les coûts des postes péages qui varient d’une région à une autre.

 

Voici le verbatim de ces propos hier à l’Assemblée nationale

« Je vais préciser qu’au niveau du poste de péage de Diho, au démarrage c’était à 1000F. Il a fallu que les populations se rebellent, et à la veille d’une élection, avant que le prix ne revienne à 500F. Aussi, je vais préciser que les travailleurs au niveau du poste de péage de Tigninti ont tous été convoyés à ce poste, un recrutement local n’a pas été fait. M le président, chers collègues, M le ministre, Henri-Frédéric Amiel disait : « nos véritables amis sont ceux qui nous disent la vérité et qui éclairent notre conscience ». Sachez que dans la vie, personne n’est à l’abri des erreurs. C’est avoir l’humilité de s’excuser qui fait la différence et qui te rend spécial. Nous, nous sommes ici pour dire la vérité. Pour ceux qui ne connaissent pas Tigninti, j’aimerais éclairer tout un chacun à ce que tout le monde comprenne ce dont on parle. Le village de Tigninti est à moins de 15 km de Natitingou, chef-lieu du département de l’Atacora, en allant à Djougou, donc à la porte de la ville de Natitingou, entre Perma et Natitingou. Mettre un poste de péage à Tigninti, c’est comme mettre un poste de péage au niveau du pont de Houédonou, c’est-à-dire entre Calavi et Cotonou. M le Ministre, d’entrée de jeu, je voudrais dire à tout un chacun que personne n’est contre l’installation d’un poste de péage sur nos routes. Elle est même souhaitée et encouragée puisque les ressources mobilisées servent à l’entretien des routes et à la construction de nouvelles routes. Qui d’entre nous ici ne veut pas de nouvelles routes ? Même si des localités comme Kalalé, Nikki, Natitingou, Kouandé, Péhunco, Bopa, Dogbo sont oubliées, c’est la manière dont nos péages sont érigés et leur coût de passage illégalement répartis sur toute l’étendue du territoire national qui pose problème. Mais, nous avons compris maintenant, avec votre gouvernement, ce qui se joue aujourd’hui dans notre pays, une classe riche, très riche que vous représentez qui cherche à appauvrir davantage la masse laborieuse productrice de richesse. M le ministre, Georges Braque disait je cite, « la vérité existe, on n’invente que le mensonge ». Et tout au long de votre intervention, vous ne nous avez pas dit totalement la vérité. Nous avons compris que le péage de Tigninti a été rapidement érigé pour mobiliser les ressources afin de permettre au gouvernement de trouver les moyens financiers pour creuser les tranchées sur nos routes de villes et villages frontaliers producteurs de soja dans le département du Couffo, la Donga, l’Atacora et autres. Les fonds de péage qui devraient servir pour la réparation des différentes routes servent plutôt à construire des tranchées et endommager les routes. Si notre justice était encore indépendante, une plainte devrait être déposée contre votre gouvernement pour destruction de biens publics. M le ministre, le poste de péage de Tigninti est la goutte d’eau qui vient de faire déborder le vase et permet aujourd’hui de soulever le problème des péages dans notre pays. Au Bénin, tous les acteurs sont unanimes, les frais de péage sont élevés comparativement aux pays qui nous entourent. Le président de la République l’a lui-même reconnu à l’arrivée de son homologue, le président nigérien Mohamed Bazoum dernièrement, et a promis envisager leur réduction. Le poste de péage de Tigninti a été érigé sans associer les populations à la base à travers le conseil communal de Natitingou. Les frais de passage ont été fixés sans associer les différentes associations de conducteurs de taxis et camions gros porteurs et sans tenir compte des réalités des populations environnantes. M le ministre, qu’est-ce qui vous empêche de prendre l’exemple de ce qui se fait mieux ailleurs ? déléguer une équipe pour effectuer un voyage afin de s’inspirer des expériences des autres pays engagés dans la modernisation de leurs péages. Le fruit de ces voyages va vous permettre de comprendre que les usagers dans ces pays payent proportionnellement en fonction de ce qu’ils consomment. Imaginez, de Cotonou à Dassa, 201 km, en aller et retour, l’usager ne paie rien. Au même moment, Parakou-Nikki, 110 km, l’usager paie 3000 FCFA. Dans les pays limitrophes, par exemple au Niger ou au Burkina-Faso, c’est à l’entrée que l’usager dit sa destination finale et c’est en fonction de ça qu’il lui ait notifié ce qu’il a à payer. Celui qui quitte Kétou pour Abomey ne devrait pas payer le même coût que celui qui quitte Kétou pour Djakotomey. Pareil pour celui qui quitte Natitingou pour Djougou par rapport à celui qui quitte Natitingou pour Parakou. En résumé, lorsque vous prenez le tronçon Cotonou-Natitingou, les frais de péage devraient être fixés en fonction de la distance que vous parcourez et ceci devrait être fait comme ça partout sur nos axes routiers. Ce que fait votre gouvernement est inhumain. M le ministre, depuis 2016, votre mode de gouvernance peut tout simplement se résumer par le passage en force. Seul vous qui savez ce qui est bon pour le peuple. Et c’est sous le slogan que nous scandons tous à longueur de journée pour dénoncer le régionalisme, le Bénin est un et indivisible, que votre gouvernement se cache pour empêcher ceux qui sont brimés de s’exprimer. Mais sachez que lorsque l’injustice atteint certains degrés, la révolte devient une obligation. C’est d’ailleurs pour ne pas en arriver là qu’il faut tirer la sonnette d’alarme afin que celui qui a le pouvoir de changer les choses le fasse. C’est ainsi que depuis 2016 à ce jour, au moment où les frais de paiement au niveau des postes de péage situés dans la partie septentrionale et à Kpédékpo sont élevés, les gros investissements se font dans une partie du pays et l’autre laissée pour compte. Quand on considère le domaine des infrastructures routières, à part la réhabilitation d’une partie de la route inter Etats Cotonou-Malanville qui, en réalité, est faite pour desservir les pays de l’hinterland, il n’y a eu que le bitumage de la route Natitingou-Boukoumbé d’environ 50 km livrée à ce jour dans le septentrion et dont le financement était d’ailleurs bouclé par le régime du président Yayi Boni. Le reste des chantiers routiers sont lancés mais aucun n’est arrivé depuis 2016 à terme. De grosses communes telles que Kouandé, Kérou, Péhunco, Kalala, Sinendé, Karimama restent enclavées malgré leur forte production cotonnière et vivrière. Les ponts de Kankou, de Ticotarou dans Kouandé et de nombreux ponts continuent d’accentuer l’enfer des populations dans ces localités sans la moindre compassion du gouvernement. Cependant, sans tambour ni trompette, des centaines de routes ont été bitumées d’un côté du pays reliant des communes, des arrondissements et même des campagnes sans y poser un poste de péage. Aussi plus de 300 milliards FCFA en cours d’investissement à Ouidah seul pour révéler le tourisme béninois. Pendant ce temps, l’empire de Nikki qui est la plus grande organisation de la chefferie traditionnelle du Bénin, avec à la clé l’unique authentique fête culturelle est classée aux oubliettes. L’empire de Nikki se contente des promesses renouvelées de la construction du palais de l’empereur, de la reine.

Au niveau du secteur industriel, c’est le comble total. Une zone industrielle a été installée à Glo-Djigbé. Cette zone industrielle verra transformer les matières premières telles que le soja, le karité produits dans la partie septentrionale du Bénin avec la main d’œuvre recrutée localement (…) M le ministre, bien qu’il y ait un poste de péage à Prékété, savez-vous que la route Djougou-Savalou dont les travaux de réhabilitation démarrés avant 2016 peinent à finir ? et c’est la construction des routes non entretenues par votre gouvernement pour soi-disant empêcher la sortie du soja qui avance ? Aussi, malgré la présence du poste de péage de Kpèdékpo, la route Missérété-Covè est dans un état de dégradation totale sans que cela ne préoccupe le gouvernement. Au péage d’Ekpè, le tarif de passage est de 300 FCFA. Le béninois qui quitte son domicile à Porto-Novo le matin traverse quotidiennement ce poste de péage pour aller travailler à Cotonou et regagner son domicile le soir paie 600f par jour, 3000f par semaine, soit 12 000f par mois. Au poste de Ahozon et de Grand-Popo, le tarif de passage est 400f. Le béninois qui traverse tous les jours ce péage pour aller travailler et rentrer chez lui dépense 800f par jour, 4000f par semaine, 16 000f par mois.

Au péage de Ouègbo, rien. Mais au péage de Savè, Sirarou, Kpèdékpo, Tigninti où le tarif de passage est de 1000f, les compatriotes qui traversent quotidiennement ces passages pour aller travailler et rentrer chez eux doivent payer quotidiennement 2000f, 10 000f par semaine et 40 000f par mois. En définitif, les compatriotes vivant dans les endroits où le péage est à 1000f au titre de frais de passage paient plus cher. J’appelle votre attention sur le faite que le compatriote qui, dans ces régions du pays est payé au Smig, passé cette année seulement à 52 000f, devra mensuellement débourser 40 000 FCFA juste au titre des tarifs de passage. Ainsi, à la fin de chaque mois, il ne lui restera que 12 000 FCFA pour boucler sa fin de mois. J’espère que tout le monde constate que le gouvernement prend des décisions arbitraires et iniques sans même se soucier des conditions de vie des populations. Comment fera-t-il face aux charges familiales, aux besoins fondamentaux de sa famille, le logement, la santé, l’éducation pour ne citer que ceux-là. Si le gouvernement dit de la rupture ne tient pas compte de ces facteurs pour prendre des décisions, quels sont les éléments dont vous tenez compte finalement ? pourquoi travaillez-vous dans votre propre pays comme les colons, pour reprendre l’expression chère à feu président Mathieu Kérékou ? Savez-vous que l’amélioration des conditions de vie des populations fait partie de vos obligations ? M le ministre, une partie du pays ne peut pas à elle seule contribuer à la mobilisation des ressources d’un pays. L’Atacora fait partie des départements les plus pauvres et enclavés de notre pays. Presque que tous ceux qui travaillent à Perma vivent à Natitingou.

Je vous remercie ».

Transcription B.H

Source : Matin Libre

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