Projection cinématographique à l’Ambassade des Etats-Unis: ‘’The Woman King’’ un succès cinématographique qui laisse sur la soif

(Un véritable défi lancé à l’industrie cinématographique béninoise)

Au siège de l’Ambassade des Etats-Unis d’Amérique, Mardi 23 mai 2023, le film intitulé ‘’ The Woman King’’ est projeté. En présence de l’Ambassadeur des Etats-Unis près le Bénin, Brian Shukan et de la réalisatrice du film, Gina Prince-Bythewood, le public s’est régalé d’un long métrage d’environ deux heures trente qui retrace l’hégémonie du royaume de Danhomey d’alors au temps des ‘’Agoodjié’’ ou femmes amazones, guerrières sous le règne du roi Guézo. Le film a tout ce qu’il faut au plan technique pour être agréable et savoureux mais le hic est que l’habillage en termes de musique, de danse et chorégraphie, de cri de ralliement, de prononciation des paroles en langue fongbé défie toute réalité authentique liée à la terre des Houégbadjavi.

Le film ‘’The Woman King’’ est un régal cinématographique concocté par la réalisatrice américaine Gina Prince-Bythewood. Une trame qui emporte le cinéphile dans une spirale de deux heures trente d’horloge pour le combler des exploits accomplis par les femmes guerrières du Dahomey et qui sont communément connues sous l’appellation de ‘’Agoodjié’’ ou femmes Amazones. Ce récit épique de femmes spectaculaires techniquement façonnées et forgées pour la guerre empêche carrément le cinéphile de voir le temps passé. C’est si bien relaté qu’aussi bien dans la scénographie, l’intrigue que dans les jeux d’acteurs rien ne laisse indifférent. Quant aux effets spéciaux, cela laisse stupéfait. Le film retrace les hauts faits de Nanisca, la patronne de cette fière armée féminine du Dahomey, et de sa fille Nawi qui, en complicité avec les autres ‘’Agoodjiés’’, ont vaillamment combattu les envahisseurs d’Oyo et les colons mercantiles qui venaient pour le commerce triangulaire au large de l’océan Atlantique du côté de Ouidah. Ce ne sont rien que des femmes dotées d’une redoutable puissance et techniques de guerre. A elles seules, elles ont pu mettre en pièce tous les envahisseurs qui se hasardaient à défier le royaume du Dahomey, à commencer par les Mahinous. Leur technique de combat n’a rien à envier aux arts martiaux. Une armée techniquement au point avec des frappes vigoureuses et étincelantes qui forcent l’admiration. Le film met clairement en lumière que depuis lors, le royaume de Dahomey, en dépit de tout ce qui est souvent raconté au sujet de la civilisation africaine, est divinement bien organisé et a une spiritualité bien ordonnée. Des architectures qui exposent des labyrinthes et des forteresses dignes d’une organisation raffinée et structurée. Et pourtant, c’était dans les années 1823. Et c’était même l’une des rares fois où un projet de réalisation cinématographique s’intéresse dans ce sens à une histoire de nègres avec une portée aussi considérable. Autrement, ce ne sont pas des sujets d’intérêt qui font bonne affaire dans l’hexagone. « Lorsque j’ai entamé ce projet, au départ, ce n’était pas parti pour être facile pour moi. Il a fallu six bonnes années avant que je n’obtienne le financement pour faire le travail. Les gens n’y ont pas tout de suite cru. Parce que ces genres de sujets souvent ce n’est pas évident qu’ils soient accompagnés aussitôt », souligne la réalisatrice Gina Prince-Bythewood dans les échanges d’après projection.

Mais au-delà…

Ce film n’a pas souffert que du retard dans le financement. Puisqu’il est entièrement réalisé en Afrique du Sud, ‘’The Woman King’’ n’a pas connu la participation d’un grand nombre de cinéastes béninois. Sinon la diva Angélique Kidjo qui est passée presque figurative dans la trame. On peut également retenir que la consultation de la jeune réalisatrice Cornélia Glèlè au plan technique est prise en compte. Autrement, « La plupart des acteurs et techniciens sont Sud-Africains. Puisque la vision aussi c’est de trouver des qualités d’agents qui sont à la hauteur de ce que nous voulons faire », confirme la réalisatrice. Et déjà, pourquoi pour une histoire qui concerne le Dahomey d’alors donc le Bénin, c’est en Afrique du Sud que c’est réalisé ? La réponse à cette interrogation n’a pas du tout hésité sur la langue de la réalisatrice. « Nous n’avons pas manqué de sonder le monde de la cinématographie béninoise. Mais malheureusement, les appels à casting qui sont lancés se sont révélés infructueux pour recruter des acteurs et techniciens adéquats pour faire le travail. Nous avons constaté que l’industrie cinématographique béninoise n’existe véritablement pas encore », fait savoir la réalisatrice avant d’ajouter de façon diplomatique que l’objectif aussi c’est de reconnecter l’Afrique à l’Amérique et c’est cela qui justifie le choix de l’Afrique du Sud et ses acteurs. Mais à scruter de près, elle est la deuxième personnalité de la galaxie cinématographique mondiale pour ne pas dire de Hollywood qui fait cette observation en dehors du Béninois Djimon Houssou qui avait, lors de son passage à Cotonou il y quelques années,  fait une remarque identique. Mieux, les cris de ralliement des guerrières dans le film sont identiques à ceux des Zoulus. Et par ailleurs, les quelques rares mots prononcés en fongbé sont tellement anglicisés que seuls ceux qui ont une audition bien adaptée pourrait s’y retrouver surtout si on est béninois. Des chansons de festin aux chansons de guerre en passant par les mélodies et pas de danse qui accompagnent, aucun tambour représentatif du royaume de Dahomey tel que le Kpézin n’a résonné, si ce n’est que les djembés joués à la Sud-Africaine ou à la sénégalaise qui font faire des pas de danse aux acteurs et qui n’ont pratiquement pas grand-chose à voir avec le royaume de Dahomey. Toute similitude à l’authenticité dans ces détails sur le film laisse sur la soif. Mais la réalisatrice a tout de même eu l’ouverture d’esprit de faire remarquer à travers ses propos que ‘’The Woman King’’ n’a pas la prétention d’être une production cinématographique qui vient combler à la perfection toutes les attentes. Donc, le défi est lancé à d’autres firmes cinématographiques notamment béninoises de combler le vide observé et d’aller au-delà dans la mesure du possible.

Teddy GANDIGBE

Source : Matin Libre

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