Récurrence des coups d’Etat en Afrique de l’Ouest: Cedeao : au-delà des sanctions et condamnations

Dimanche 9 juillet, le président nigérian Bola Tinubu prenait la tête de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), élu à l’unanimité par ses pairs lors de la 63ᵉ session de la conférence des chefs d’État. À peine désigné il a annoncé le ton : sa priorité est l’instauration, la consolidation de la démocratie dans l’espace Cédéao. Le président Bola Tinubu est résolument contre les coups d’État. Pour lui, et pour ses pairs de la Cedeao, les juntes malienne, guinéenne et malienne doivent respecter le chronogramme de sortie de crise qu’ils ont élaboré. Bola Tinubu a déclaré que la démocratie sera le socle de son action à la tête de l’institution sous-régionale.

 

Hier, 26 juillet, soit 17 jours seulement après le discours fort du nouveau président de la Cedeao, tentative de coup d’Etat au Niger. A l’heure où nous mettons sous presse, la tension reste confuse à Niamey. Les dernières informations font état du fait que le putsch en cours n’aurait peut-être pas abouti. Le Garde présidentielle, qui a pris en otage le chef de l’Etat démocratiquement élu Mohamed Bazoum et sa famille, n’aurait pas réussi à avoir le soutien, ni de l’Armée, ni des populations civiles. Le président béninois Patrice Talon, qui est arrivé à Abuja hier en début d’après-midi, serait dépêché d’urgence à Niamey, avec une délégation de la Cedeao, en vue d’assurer la médiation. « Même quand ce qui n’est pas acceptable se fait, il faut que dans la paix, on puisse corriger cela. C’est notre première option. Nous pensons que ce sera avec succès », a déclaré Patrice Talon, rapporté par Rfi. Patrice Talon va donc à Niamey dans l’espoir de faire entendre raison aux putschistes et de rétablir l’ordre constitutionnel.

Mais que Bazoum arrive à se maintenir au pouvoir ou pas, ce coup d’Etat de plus dans la région ouest-africaine est un véritable affront à la Cedeao et son président nouvellement élu. Comment comprendre qu’après un discours aussi engagé de Bola Tinubu, les militaires tentent de prendre le pouvoir au Niger. C’est un véritable défi lancé au nouveau président de la Cedeao et qui remet une fois de plus en cause la gestion que fait la Cedeao des crises nées des coups d’Etat militaires.

N’est-il pas temps de régler les problèmes de fond ?

Chaque fois que survient un putsch militaire, la Cedeao condamne, demande le retour immédiat à l’ordre constitutionnel et prend des sanctions à l’encontre des putschistes. Cela a été le cas au Mali. Mais ça n’a pas empêché la Guinée de connaitre son coup d’Etat. Ce fut ensuite le tour du Burkina-Faso. Dans ces pays, les juntes au pouvoir ont le soutien des populations civiles, car elles estiment que les militaires sont venus mettre fin au désordre. Et le désordre en question a noms, les conflits électoraux mal réglés, le manque de transparence dans la gestion, l’exclusion, les 3e mandats que s’octroient les civils grâce à une révision opportuniste de la Constitution, le pouvoir clanique, la corruption, la mauvaise gestion des ressources du pays, les accords occultes avec les puissances colonisatrices, etc. Les populations subissent tout ces mots en silence. Et quand l’armée trouve une brèche, elles poussent un ouf de soulagement, espérant que les choses vont enfin changer. Le mal est donc profond et va au-delà des discours platoniques de condamnation qui ont montré leurs limites. Il faut régler le problème dans le fond. En quoi un président civil qui a révisé la Constitution de son pays pour s’octroyer un troisième mandat est plus légitime qu’un militaire qui a pris pouvoir par la force des armes ? Le putsch constitutionnel est aussi condamnable que celui militaire. Il faut voir les conditions dans lesquelles, les présidents de la sous-région accèdent au pouvoir, dans la contestation, les arrestations d’opposants, en un mot les conflits électoraux mal gérés. La gestion non inclusive du pouvoir, la mauvaise gouvernance, etc. constituent des terreaux à la survenance des coups d’Etat. Anticiper sur les crises, c’est régler ces problèmes de fond, être beaucoup plus regardant la source des frustrations que sur la conséquence. C’est comme cela que la Cedeao parviendra à limiter les coups d’Etat dans la sous-région. Les sanctions n’on jusque-là rien réglé.

M.M

Source : Matin Libre

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