Souvenirs de Bella Bellow :La voix de rossignol et le saxo enchanté

By Wa sé xo 3 mois ago

Si le nom d’artiste Bella Bellow n’éveille pas d’écho particulier à l’oreille des nouvelles générations, les aînés se rappellent la sonorité envoûtante de la voix de la diva de la musique togolaise, africaine, mondiale. Si l’on se souvient de ce tragique 10 décembre 1973 qui vit sa disparition dans un accident de circulation à 28 ans avec sa seule voiture impliquée à une trentaine de km de Lomé, on oublie qu’elle est née un 1er Janvier 1945 à Tsévié. Elle devait rencontrer Manu Dibango, le géant musicien, saxophoniste pour travailler et célébrer l’anniversaire de ce dernier le 12 décembre. Un rendez-vous qui n’aura jamais lieu. C’est cela la tragédie des accidents de route. Des rendez-vous de vie brutalement avortés pour toujours. A cheval entre les 50 ans d’anniversaire du départ de Bella Bellow en décembre dernier et les 80 ans de sa naissance en début de l’an prochain, nous voudrions appeler l’Afrique et le monde à se saisir du symbolisme d’une de ses chansons qu’elle déroulait sur scène de son vivant avec un art sublime. Il s’agit de « blewu ». Certes, sur sa gamme, la voix de Bella Bellow est inégalable, inimitable. Cependant l’artiste Béninoise Angélique Kidjo prit le risque, eut l’inspiration, la pertinence et le mérite de la sortir de l’oubli dans une interprétation captivante devant une auguste assemblée de 70 chefs d’Etat et de gouvernement le 11 novembre 2018 à Paris lors de la commémoration du centenaire de l’amnistie de la guerre 14-18. Entre autres invocations et évocations le message de Blewu exhorte à la tempérance, la patience, la solidarité, l’union, la paix. Il est et sera toujours d’actualité que la conscience de cet état d’esprit guide le monde, nos comportements, nos actions individuelles et collectives.

Les anciens se souviennent en 1973 d’un double choc en moins d’une année. En effet la disparition de Bella Bellow en décembre 1973 fut une tragédie qui s’est ajoutée à une autre qui a frappé le monde de la musique africaine en cette même année. Il s’agit de la disparition à 29 ans du musicien soliste guinéen Aboubacar Demba Camara en début du mois d’Avril 1973 dans un accident de circulation également avec une seule voiture taxi impliquée à la sortie de l’aéroport de Dakar où il venait de débarquer pour un séjour en vue d’une prestation de son orchestre, le célèbre Bembeya Jazz national de Guinée Conakry sur l’invitation de l’Etat sénégalais. Cette année 1973 fut ainsi éprouvante pour la jeunesse mélomane d’Afrique d’autant plus qu’elle se relevait à peine, ne s’était pas encore vraiment relevée de la disparition tragique du musicien congolais Franklin Boukaka, une autre voix de rossignol, chanteur, compositeur, guitariste assassiné en Février 1972 à 31 ans.

Le 8 Avril 2017, C’est environ 4 jours après avoir évoqué le souvenir de l’accident dont fut victime Boubacar Demba Camara un 4 Avril que la ville de Lausanne, la capitale olympique fut frappée par un accident en pleine ville qui emporta sur le coup deux artistes musiciens chanteurs dans la vingtaine, un jeune homme et une jeune femme fauchés ensemble sur le chemin du sport par un après-midi printanier sur un passage piéton par une camionnette. Plus proche dans le temps, pour prendre un fait témoin parmi tant d’autres à travers le monde, qu’apprenons-nous par la presse en ce jour 3 janvier 2024, au lendemain des fêtes de fin d’année ? Qu’un jeune passager genevois avait perdu la vie et la jeune femme au volant d’origine française grièvement atteinte, leur voiture étant retrouvée au matin du 1er janvier dans un fossé en bordure de route à la frontière Franco genevoise.

La disparition de jeunes vies prometteuses arrachées précocement, soudainement à leurs proches, en parfaite santé nous amène au devoir d’œuvrer collectivement pour faire régresser chaque jour davantage les aléas et les déterminismes à la source de telles tragédies. C’est bien entendu un combat incessant pour amener le monde à une civilisation de l’automobile de plus en plus humaine, de moins en moins dommageable aux personnes et aux biens. Nous le savons, c’est notoire, c’est une évidence, la diminution de la vitesse sur les routes est une des clés majeures de la réduction des accidents de circulation. La philosophie « Blewu » peut contribuer à cette conscience renforcée, renouvelée en permanence à plus de tempérance. S’inspirant de ces réflexions, des initiatives issues en partie de personnes et d’organisations des diasporas en appellent à une mobilisation mondiale dans la lutte pour la réduction des accidents en chaque fin et début d’année soit dès les premières semaines de décembre jusqu’aux premières semaines de janvier. Et cette initiative pour une conscience « Blewu » en éveil peut être régénérée dès les premières semaines du mois d’avril.

Au moment où l’attention sera quelque peu focalisée sur la Coupe d’Afrique de football qui commence dans une dizaine de jours en Côte d’Ivoire, le 13 janvier, nous appelons l’organisation de cet événement majeur à accorder quelques minutes lors de la cérémonie d’ouverture à cette hymne à la tempérance et la solidarité en diffusant une vidéo de Bella Bellow interprétant « Blewu ». Sa chanson « Rockia » qui est d’un tempo plus enjoué, une hymne à l’amour pourrait compléter agréablement et dynamiquement cet appel à une communauté mondiale de plus en plus tournée vers les valeurs positives de préservation de vie et de concorde. N’oublions pas non plus « Soul Makossa » de Manu Dibango qui a tant enchanté le monde en œuvrant au côté de nombreux musiciens et orchestres de toute la planète !

Nous exhortons et appelons à relayer ce message :

« C’est Blewu, Blewu que nous arriverons tous ensemble à bon port ».

G. Théophile Nouatin