Vers une nouvelle crispation de l’atmosphère nationale : Après le code électoral, la tempête politique

Le vote et la promulgation du nouveau code électoral ont-ils suffi à taire les cris d’orfraie sur le terrain ? Non. Nombre d’acteurs politiques et de la société civile continuent d’exprimer leur défiance à l’égard du nouveau texte, pendant que les mouvements de suscitation de candidatures pour la Présidentielle de 2026 continuent de plus belle, sans qu’on ne puisse jurer que c’est avec ou contre le gré des intéressés. C’est la preuve qu’on a beau peindre le tronc de l’arbre en blanc, la chair en dessous, crie.

La prise d’actes institutionnels dans un pays n’est suivie d’adhésion et d’accalmie populaires que quand ceux-ci ne procèdent pas – ou n’ont pas l’air de procéder – d’un passage en force. Au Burkina-Faso, le vote en 2014 par l’Assemblée nationale d’une réforme de la Constitution permettant à Blaise Compaoré de se porter candidat à la Présidentielle après 27 ans de pouvoir, a précipité sa chute. Plus récemment au Sénégal, l’adoption par le Parlement d’une loi entérinant le report de la présidentielle du 25 février au 15 décembre 2024 a entraîné dans un contexte de tension populaire, l’urgence de la succession à Macky Sall, dans le respect des délais constitutionnels. L’histoire du Togo s’écrit et on ne peut jurer que l’instauration au forceps d’un régime parlementaire par les députés sera l’exception qui confirme la règle. Au Bénin, on croyait que la promulgation du code électoral sonnerait le glas des actes politiques visant à le dénoncer et celui des mouvements de suscitation. Erreur. Le sort et les conditions de vie des prisonniers politiques se sont invitées dans l’actualité.

Au sein de l’opposition, on considère qu’une bataille a été perdue, mais pas la guerre contre un code électoral qui ressuscite à maints égards, les démons de l’exclusion tant redoutée. Boni Yayi a définitivement pris le relais de ses députés, en poursuivant ses consultations en vue d’une relecture de cette loi avant les échéances prescrites par le protocole additionnel de la Cedeao. Et ce, d’autant plus que les coulisses de l’hémicycle confirment que n’eût-été le rejet de la modalité du vote secret, ce code aurait connu un sort pire que celui de la proposition de révision constitutionnelle. On comprend donc la légitimité des conciliabules visant à rebattre les cartes, concomitamment avec les actions de la société civile portée par le Fonac de Jean-Baptiste Elias, dans un contexte de mécontentement populaire. Certes, tout paraît rose pour les partis de la majorité présidentielle mais rien ne garantit qu’ils sont épargnés d’une implosion imminente, tant les lézardes qu’ils accusent aujourd’hui les éloignent de leur relative solidité de 2018-2019, lorsque l’opposition était mise en quarantaine.

Sans être forcément un écho au transfert par le suffrage universel de Bassirou Diomaye Faye de la prison à la Présidence de la République sénégalaise, la lettre de l’opposante Réckyath Madougou est venue en ajouter à l’attention de l’opinion publique sur les conditions inhumaines de vie carcérale qui lui sont imposées. Et il n’y avait meilleure voix que celle de l’ex-présidente de l’Institut national pour la promotion de la femme (Inpf aujourd’hui Inf) et professeure agrégée en imagerie médicale Vicentia Boco, enseignante à l’université d’Abomey-Calavi, pour appeler la responsabilité directe du chef de l’Etat sur le corsage à l’extrême des empêchements imposés à cette femme politique. Patrice Talon arrivera-t-il à inverser la tendance à la généralisation du mécontentement en cours y compris dans ses propres rangs ? On est en droit d’en douter à en juger le grossissement sur le terrain des actions de mobilisation en faveur de candidatures au sein de la mouvance présidentielle. Il semble que nous sommes à quelques encablures du croisement de tous ces feux qui crispent crescendo l’atmosphère politique dans le pays. Et ce calme apparent avant la tempête ne semble pas être un mal pour l’histoire du Bénin. Sauf que le drame pour le président Talon, c’est qu’il ne semble plus avoir autour de lui, une personnalité suffisamment forte, audible et charismatique pour l’alerter sur la tension à l’horizon.

Angéla IDOSSOU

Source : Matin Libre

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