Compassions politique et du gouvernement suite aux attaques terroristes : une course à la solidarité contre-productive

Elles font froid dans le dos. Les attaques sanglantes survenues à l’entame de ce mois de mai à Kérou et Banikoara à seulement deux jours d’intervalle ont jeté l’émoi dans les cœurs. Perturbées dans leur quiétude habituelle, les populations consternées espèrent vivre à nouveau dans un environnement apaisé. Défiés, les pouvoirs publics définissent les stratégies pour préserver l’intégrité territoriale et restaurer l’autorité de l’Etat. Dans cette situation trouble et éprouvante, la solidarité nationale ne cesse de s’exprimer de différentes manières. En première ligne, l’Exécutif et le personnel politique se font remarquer à cor et à cri.

En toute légitimité, une délégation gouvernementale encadrée par les hauts gradés de l’armée et de la police républicaine étaient sur les lieux aux côtés des communautés durement touchées. Devant les veuves, enfants et parents, les ministres ont exprimé la compassion du gouvernement et ont rassuré les victimes du soutien des pouvoirs publics qui font feu de tout bois pour mettre en déroute les auteurs de ces agissements macabres. En prime, une enveloppe financière de vingt millions de Fcfa a été remise aux communautés pour leur permettre de se reconstruire après ce coup de la vie. A la suite du gouvernement, les députés se sont également invités dans la danse. Des messages de soutien et de compassion ont été adressés aux victimes des attaques qui ont aussi bénéficié de vivres.

En soi, toutes ces actions bénéfiques pour les populations concernées sont à saluer. Elles témoignent de l’expression de la solidarité nationale, car toutes les composantes de la nation béninoise se sentent concernées et interpellées par ce drame. Mais le fait que les acteurs de toute cette sollicitude aient fait un grand battage médiatique de leurs actions apparaît un peu comme un cheveu dans la soupe. En effet, les groupes armés à la base des attaques souhaitent que s’installe dans les cœurs et le pays un climat de consternation et de peur. Les méthodes qu’ils ont utilisées à Kérou dernièrement en égorgeant des paysans sont illustratives de leur volonté de semer la psychose dans le pays et de provoquer des déplacements de populations. Ces dernières, se sentant menacées, pourraient fuir leurs localités et se réfugier ailleurs.

Ces modes d’expression de la violence ont pour conséquence la fragilité de l’Etat. Pour ne pas donner l’impression aux promoteurs de violence que la nation a été touchée par ces actes odieux et leur donner l’envie de frapper à nouveau dans d’autres régions, il aurait été plus intéressant que toute cette sollicitude se manifeste dans la discrétion. Mine de rien, plusieurs communautés se sentent menacées depuis les attaques de Kaobagou à Kérou. Le bruit de la compassion ne les rassure pas pour autant. Le renfort militaire, l’intensification du renseignement, la coopération transnationale et la promotion constante de l’équité en termes d’investissements dans toutes les localités sont plus productifs que la compassion tonitruante à laquelle l’opinion assiste. Le message à l’intention des groupes armés illicites qui sèment la mort et la peur sur leur passage doit être celui de la détermination à les vaincre et les pousser hors du territoire national. En ces heures difficiles, les canaux bruyants de la solidarité nationale ne sont pas les plus adaptés.

Source : Fraternité

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