Dr. Balwant Godara, Conseiller politique à SWA: « L’inscription de l’eau comme une priorité dans l’action climatique est insuffisante dans la région»

Dans le cadre de son accompagnement aux Etats pour l’atteinte de l’ODD 6, SWA organise dans plusieurs pays francophones des ateliers multipartites de co-création. Un renforcement de son action pour mesurer avec les pays, les progrès et défis en vue de garantir l’accès universel d’ici 2030. Au terme de l’atelier au Bénin, nous avons rencontré le conseiller politique Dr. Balwant Godara, qui revient sur les objectifs de l’organisation de ces ateliers de co-création avant d’apprécier les progrès et enjeux liés à l’atteinte des ODD dans le secteur de l’eau et de l’assainissement dans la sous-région.

 

Pourquoi le partenariat SWA a choisi d’organiser désormais des ateliers multipartites de co-création dans le secteur de l’eau et dans l’assainissement après les rencontres de haut niveau et son mécanisme de redevabilité ?

Aujourd’hui, on essaie de compléter nos actions de plaidoyer sur la scène internationale avec un focus et une personnalisation au contexte des différents pays. Donc, on continue par nos réunions de haut niveau et la réunion de Djakarta avait mobilisé 55 ministres. On a organisé au moins 4 réunions différentes. Les réunions ministérielles en marge de la conférence des Nations-Unies sur l’eau, et donc on continue avec le plaidoyer international. Il n’a pas cessé ni diminué mais il est complété par un focus beaucoup plus clair sur les pays.

La deuxième remarque est qu’on se rend bien compte que le secteur de l’eau et de l’assainissement en soi ne va jamais suffire à lui seul pour relever des défis. On n’a pas plus besoin de convertir les acteurs du secteur ou de mener un plaidoyer en direction d’un ministre de l’eau. En revanche, il faut diversifier les acteurs cibles parce que le secteur de l’eau n’arrive pas de manière globale, à mobiliser assez de ressources pour atteindre ces objectifs et pour trouver ces ressources, la décision se prend au niveau du ministère du plan, celui des finances ou à la présidence. Et donc, quand on se focalise sur le pays on essaie d’élargir le dialogue à d’autres acteurs. Par exemple, le financement climat du ministère de l’environnement devient de plus en plus important pour le secteur de l’eau et donc on essaie de faire de manière à ce qu’on maximise les chances du secteur de l’eau a attiré l’attention des décideurs et les ressources.

Depuis cinq ou dix ans, les pays de la sous-région font des progrès dans le sous-secteur de l’Approvisionnement en eau potable par rapport aux années antérieures. Est-ce que les efforts sont suffisants pour atteindre l’ODD 6 ?

Si on prend la douzaine de pays dans la sous-région, je pense qu’il y a deux grandes catégories. Il y a la catégorie des pays qui vivent des situations politiques difficiles. Je pense que cela a fortement affecté les progrès. On a vu surtout ces trois dernières années, un vrai déraillement du progrès comme le Burkina, le Mali, la Guinée et le Tchad. Je pense que ce n’est pas juste une question des partenariats internationaux qui s’arrêtent. Les priorités nationales changent. Quand des évènements comme cela surviennent, ça change l’orientation du pays et du coup, ça déraille malheureusement les progrès dans les services de base. Une autre catégorie de pays dans la région, je pense que c’est les pays comme le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Sénégal. Dans ces pays, grâce aux chefs d’États, aux gouvernements avisés sur les questions de l’eau, je pense qu’il y a un vrai essor. Dans ces pays-là, il y a une accélération. Après, vous avez une troisième catégorie de pays de la région qui ne sont pas en situation politique sensible où le secteur de l’eau n’est pas encore une priorité comme le Togo par exemple. Aucun dirigeant ne dirait que l’eau n’est pas une priorité. C’est vrai qu’un adage dit que « l’eau c’est la vie ». Mais, en fait cela a perdu son sens. Car, il faut voir les faits. Une priorité politique est vide si elle n’est pas suivie d’actions. Dans l’agenda, on voit par exemple l’inscription de l’eau comme une priorité dans l’action climatique mais, elle est insuffisante dans la région. Je pense que c’est un vrai problème. C’est un indicateur qui montre à quel point un pays priorise l’eau.

 

Au regard de l’évolution du secteur, est-ce qu’on est sur la bonne voie pour atteindre l’ODD 6 dans la sous-région ouest africaine ?

Je pense qu’on est sur la bonne voie mais les vitesses sont différentes. Car, au sein d’un pays, il y a les vitesses qui sont différentes pour les différents sous-secteurs, eau potable et assainissement. Alors que pour arriver à l’ODD6, il faut l’ODD 6.1 et 6.2. Il y a beaucoup plus de chance pour l’ODD 6.1 et moins de chance pour 6.2.

Face à ce challenge, quelle sera la contribution de SWA pour parler aux gouvernements pour accélérer les progrès ?

SWA a des contributions à plusieurs niveaux. On a des résultats assez concrets dans notre rapport. Par exemple, il faut élargir le plaidoyer pour dire que l’eau n’est pas une fin en soi mais, l’eau est nécessaire pour l’action climatique. L’eau et l’assainissement sont nécessaires pour l’essor économique du pays et l’assainissement et l’hygiène sont nécessaires pour la santé des populations. Donc, il faut souligner l’intersectorialité et tabler de plus en plus sur ces arguments-là. Pas l’eau et l’assainissement pour l’eau et l’assainissement mais l’eau et l’assainissement pour l’économie, la santé ou le climat. Le deuxième apport, c’est la question de la redevabilité. Au niveau national ou international, je pense que SWA a une base assez solide avec le mécanisme de redevabilité mutuelle. C’est un autre apport. C’est des engagements sur deux, trois, quatre ans. Et nous accompagnons les gouvernements à retenir des actions pour atteindre ces engagements. C’était par exemple l’objet de l’atelier de la Côte-d’Ivoire. SWA n’est pas un mécanisme de financement ni de mise en œuvre sur le terrain. Mais SWA est une plateforme internationale multipartite. Notre troisième apport en tant que SWA, c’est la collaboration multipartite. Ceci pour dire que pour atteindre les ODD, aucun gouvernement où qu’il soit ne pourra le faire tout seul. Sous le leadership du gouvernement, on a besoin de mobiliser tout le monde. SWA a tout un tas de mécanisme pour justement renforcer ses processus de collaboration multipartite.

Alain TOSSOUNON (Coll.)

Source : Matin Libre

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