Moudachirou Bachabi, SG/Cgtb /Réintégration des enseignants radiés: « La sanction a été allégée…elle n’est pas levée totalement »

Le secrétaire général de la Confédération générale des travailleurs du Bénin (Cgtb), Moudachirou Bachabi, se réjouit de la décision du gouvernement relative à la réintégration des 305 enseignants radiés pour boycott de l’évaluation diagnostique organisée à leur intention. Dans un entretien accordé à votre journal, le syndicaliste estime que la sanction, loin d’être totalement levée, a plutôt été allégée. A l’en croire, il s’agit d’une demi-victoire au regard des conséquences qui découlent de la sanction. Lire sa réaction !

 

Levée des sanctions et réintégration des enseignants radiés pour boycott de l’évaluation diagnostique. Quelle est votre appréciation de cette décision du gouvernement ?

En ce qui me concerne, cette décision, elle est salutaire parce que ça permet à des familles de retrouver la joie et socialement parlant, ça soustrait aux vices, une bonne partie de ceux qui sont censés éduquer pour être sur le droit chemin. Je ne peux que féliciter le gouvernement pour cette décision. Mais en tant que leader syndical, ça me fait faire un point… Quand la décision est tombé, il s’est trouvé des gens pour revendiquer la paternité de ce succès et ceux qui réclament cette paternité, on les connait de tradition. Ils n’ont pas expliqué quel a été le discours qu’ils ont tenu au domicile du Chef de l’Etat. Parce que c’est eux qui ont mis les intéressés dans cette posture parce que tout simplement, dans une démarche syndicale…ils ont amené certains à ne pas se mettre au diapason de ce que c’est qu’une action syndicale moderne… Nous avions à l’époque insisté à la Cgtb pour que tout le monde prenne part à l’évaluation. On nous a taxé de tout et lorsque finalement certains ont suivi leur mot d’ordre, nous avons préconisé que nous rentrons dans une démarche de plaidoyer. Et là encore, nous n’avons pas été suivis… C’est heureux aujourd’hui que les intéressés, non seulement aient emprunté le chemin de plaidoyer mais qu’ils aient emprunté un canal informel. C’est-à-dire aller au domicile du Chef de l’Etat et je suis convaincu qu’ils ne sont pas allés au domicile du Chef de l’Etat pour l’insulter…Ceux qu’ils auraient pu apporter à la classe ouvrière aujourd’hui, c’est de dire exactement quelle était l’ambiance avec le Chef de l’Etat à son domicile. Parce que c’est la grande leçon que nous devons tirer aujourd’hui. Vous ne pouvez pas être en posture de partenariat, en posture de dialogue avec quelqu’un qui est censé alimenter votre mieux-être et n’avoir que les discours habituels là pour obtenir gain de cause. Le syndicalisme, c’est à la fois la rigueur, c’est la courtoisie, c’est le plaidoyer, c’est le lobbying et c’est même le couloir…parfois, on peut rencontrer un ministre à l’église ou à la mosquée, échanger avec lui ou même dans une cérémonie familiale.

Mais, ma crainte aujourd’hui, c’est qu’après avoir obtenu cela dans la démarche qu’ils ont essayé de décrire partiellement, ils viennent dire que le chef de l’Etat a compris qu’il s’est trompé. C’est là qu’ils veulent induire encore les travailleurs en erreur et j’espère que les 305 enseignants ont tiré leçons de ce que qui s’est passé. Oui, on les a réintégrés aujourd’hui mais pas avec le discours qui leur avait dit de ne pas participer à cette évaluation. Donc pour moi, c’est un vrai soulagement mais c’est quand même une perte. Une perte parce que les intéressés sont restés trois ans plus ou moins, sans rémunération. Voir la désolation de la famille dans une situation comme celle-là. Les salaires étaient insuffisants et on se retrouve privé de ça. La deuxième déception, c’est qu’ils ont raté une belle opportunité de changer de statut. Parce que qu’on le veuille ou pas, il y a toujours une perte dans cette histoire-là. On a donc allégé la sanction, elle n’est pas été levée totalement comme les gens pensent. Parce que si elle était levée, elle allait rétro-agir, on allait les rétablir dans tous les droits…Or tout le monde sait que dans ce lot-là, on a de brillants enseignants qui auraient passés cette étape là sans difficulté. Voilà donc mon regret et c’est cela aussi, les leçons qu’il faut tirer et que les travailleurs sachent écouter et apprécier ce qu’on les propose.

Alors dites-nous concrètement, quelles sont, selon vous, les raisons ayant motivé cette décision du gouvernement ?

Je crois que seul, le Chef de l’Etat peut dire pourquoi il en est arrivé là. Mais ce que je sais, c’est que de tous les côtés, les confédérations faisaient le plaidoyer et vous aviez suivi un peu la dernière rencontre du Chef de l’Etat avec les organisations syndicales.

Si finalement, il est arrivé à dire que nous passons souvent à coté la négociation mais il a reconnu qu’il y a des discours qui permettent de faire les efforts supplémentaires. Et ces discours-là… c’est l’un des discours de l’école de la Cgtb. Vous saviez très bien également que nous travaillons en très bonne intelligence avec celui dont le discours a été apprécié…Le Chef de l’Etat a mis, disons, en balance toutes ces actions de l’ombre, toutes ces actions officielles et puis finalement, il s’est rappelé également qu’il s’est engagé à faire de ce mandat un mandat social. Donc, c’est un gain qu’il a voulu inscrit à l’actif de son engagement pour le social. Mais cela dit, en tant que leaders, puisque nous sommes à la tête d’organisations sociales et qui dit social parle de politique également, c’est un gain politique pour le Chef de l’Etat. Parce que nous sommes en train de vouloir inaugurer la neuvième législature qui est une législature de transition vers des élections générales. Et vous savez qu’il y a une passerelle qui permet à ce que désormais ceux qui sont pour la gouvernance et ceux qui ne sont pas tout à fait d’accord avec la gouvernance cohabitent ensemble dans notre Assemblée. C’est la première expérience que nous voulons faire sous la Rupture. Et le chef de l’Etat a choisi un très bon moment pour prendre cette décision parce qu’il ne veut certainement pas devoir ça à une chapelle politique. Vous comprenez que du point de vue stratégique, il a marqué un point politique qui montre simplement qu’il est à la fois, capable du bien et du mal mais qu’il peut toujours s’ajuster. Et c’est cela qui fait que j’espère que 2026, les cartes sont encore ouvertes. Parce que pour moi ça va être difficile pour les acteurs politiques de la transition vers ces élections générales de s’approprier les succès qui vont arriver… Je prie simplement que l’Eternel éclaire l’ensemble des acteurs et que nous pussions, dans une cohabitation pacifique, conduire le Bénin à bonne destination.

La réintégration des enseignants radiés, une victoire des travailleurs ?

C’est une victoire des travailleurs mais c’est également une victoire de la volonté de faire les choses autrement. Parce que  si on dit que cette victoire des travailleurs on peut confondre l’impact.

Parce que ce n’est pas tous les travailleurs qui étaient dans la logique de mettre les gens à genoux. Aujourd’hui, nous sommes dans une situation où les travailleurs peuvent se réjouir de ce que le Chef de l’Etat modifie sa gouvernance, disons, tenir compte de l’intérêt de tous et de la communauté. Et le conseil des ministres, dans son communiqué final, a indiqué clairement que ça faisait partie des doléances que les confédérations ont tout le temps et  régulièrement porté. Donc quelque part, il concède que les différentes démarches ont touché son cœur…Et comme je l’ai dit tout à l’heure, c’est une demi-victoire parce quon aurait pu éviter ça. C’est juste une réparation d’un tort qu’une chapelle a causé aux travailleurs.

Un message à lancer?

Vous me prenez à un moment où le Bénin a vécu un drame qu’on peut désormais appeler le drame de Dassa-Zoumé. Le drame dans lequel nous avons perdu beaucoup de compatriotes. Je crois c’est le lieu de prier pour le repos de l’âme de ceux qui sont partis et demander à l’Eternel de rétablir très rapidement ceux qui sont encore dans les douleurs des blessures et des brulures.  Et d’inviter l’ensemble du peuple à contribuer à coproduire la sécurité pour nous tous. Tout le monde sait que la voie publique est désormais un couloir de la mort et que chacun devrait mettre un peu du sien, de sa volonté…une fois encore toutes mes condoléances au peuple béninois. Quant à la classe ouvrière, je souhaite que 2023 soit meilleure à 2022. Mais pour qu’il en soit ainsi, il faut que le militantisme syndical soit rebâti et que nous puissions comprendre que l’action syndicale est également une action relationnelle avec les institutions et qu’ils fassent confiance aux leaders syndicaux pour que, de plus en plus, les complicités qui sont nécessaires pour faire progresser les intérêts, les communautés, que ces complicités soient prises en charge et qu’enfin, nous puissions intégrer toute la communauté béninoise dans nos revendications. Parce que cela aussi peut donner un ancrage communautaire et sociale à notre action.

Propos recueillis par Aziz BADAROU

Transcription : Orea ADOUKONOU (stage)

Source : Matin Libre

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