Niger/Appels incessants contre une intervention militaire: Talon : Entre le vœu des béninois et la position de la Cedeao

(Vers une reconsidération de la position du Bénin dans la résolution de la crise au Niger ?)

 L’un des premiers et rares présidents africains à donner son aval pour une intervention militaire contre la junte au pouvoir au Niger, le Président de la République du Bénin, Patrice Talon ainsi que ses pairs de la Cedeao se retrouvent confrontés à une autre réalité : l’opinion publique s’oppose à toute intervention militaire, privilégiant la voie du dialogue. Au Bénin, la quasi-totalité des voix qui se sont élevées ont condamné la position du Chef de l’Etat. Toute chose qui, visiblement, place le chantre de la Rupture dans un véritable dilemme.

 

Patrice Talon va-t-il reconsidérer sa position face aux appels au dialogue des populations béninoises ou restera-t-il campé sur sa position qui n’est autre que celle de la Cedeao ? Telle est la question qui taraude les esprits désormais. Pour plusieurs béninois, l’option d’une intervention militaire contre un pays voisin et frère ne répond à aucune logique même s’il faut condamner fermement le putsch perpétré contre le président nigérien, Mohamed Bazoum. Des évêques, pasteurs de la Conférence épiscopale du Bénin (Ceb) à l’Union islamique du Bénin (Uib) sans oublier la Confédération des syndicats autonomes (Csa-Bénin) ainsi que le Parti Communiste du Bénin (Pcb), le message reste le même : pas d’intervention militaire au Niger. « Nous…exhortons notre pays le Bénin, dans les circonstances actuelles, à être au sein de la Cedeao, le porte-flambeau de la voie diplomatique, du dialogue, de la tolérance, du pardon mutuel et du consensus à partir de son expérience de la Conférence des Forces Vives de la Nation », a suggéré l’église catholique tandis que la communauté musulmane s’est opposée à toute intervention militaire, appelant également au dialogue. “Le peuple béninois, est un peuple pacifique, ami de tous les peuples de la sous-région et ne saurait tolérer que son Président se fasse l’instrument d’une politique d’agression contre les peuples frères et particulièrement, le peuple frère du Niger et ne saurait accepter la transformation de notre territoire en base d’agression contre les peuples“ fait savoir le Pcb. Si le parti de l’opposition “Les Démocrates“ a interpellé le gouvernement sur l’opportunité d’une telle option, la Confédération des syndicats autonomes (Csa-Bénin) a, dans un communiqué, élevé également une vive protestation contre une quelconque intervention militaire. “La Csa-Bénin propose plutôt la voie diplomatique et celle du dialogue pour la résolution de la crise au Niger ; car, pense-t-elle, la guerre est toujours nuisible aux laborieuses et paisibles populations voire l’humanité dans les États où elle est déclenchée ; elle détruit tout sur son passage“ peut-on lire. Plus important, plusieurs personnalités politiques y compris de la mouvance n’ont pas hésité à exprimer leur indignation face à cette option d’une intervention militaire au Niger. Si l’opposant politique Candide Azannaï s’y oppose tout en dénonçant les sanctions de la Cedeao, l’ancien Président de la Cour Constitutionnelle, Théodore Holo estime que l’idéal ne serait pas de résoudre la crise en faisant recours à la force bien qu’il condamne la prise de pouvoir par les militaires. La position du Bénin dans cette crise nigérienne est donc visiblement loin de faire l’unanimité.

 

Talon : reculer ou foncer !

Face à une telle posture affichée dans l’opinion, le président béninois semble se retrouver dans un véritable dilemme : écouter les appels au dialogue des béninois et reculer ou foncer aux côtés de la Cedeao pour une intervention militaire au Niger. Pour certains observateurs, le gouvernement béninois semble avoir pris conscience du fait que les populations béninoises n’adhèrent pas à cette option d’intervention militaire au Niger. Les nombreuses et récentes sorties médiatiques visant à susciter une adhésion de l’opinion publique à la position du Bénin et de la Cedeao seraient bien une illustration, selon des indiscrétions. En effet, de l’intervention du ministre des affaires étrangères sur des médias internationaux notamment Radio France Internationale à la conférence de presse du porte-parole du gouvernement et du ministre des affaires étrangères sans oublier les émissions spéciales et interventions, le gouvernement semble davantage présent dans les médias depuis un moment pour évoquer la situation du Niger. Si pour beaucoup, le Bénin ne peut rester indifférent à la situation sociopolitique dans un pays voisin et frère comme le Niger, certains y voient un autre objectif derrière cette présence dans les médias : expliquer la position du Bénin et de la Cedeao afin de susciter une adhésion de l’opinion publique. Et la campagne d’explication semble interminable. Cependant, cette adhésion populaire semble toujours loin d’être acquise tant les réactions fusent en défaveur d’une intervention militaire au Niger. Que fera désormais le Chef de l’Etat béninois ? Va-t-il reconsidérer la position du Bénin ou restera-t-il solidaire de celle de la Cedeao pour maintenir la menace d’intervention militaire au Niger ? Les questions restent toutes posées et les prochains jours pourraient bien édifier l’opinion publique.

A.B

Source : Matin Libre

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