Depuis quelques semaines soit précisément le 14 avril 2023, le gouvernement béninois a lancé une croisade contre le travail des enfants. Ceci, à travers la campagne “Tolérance zéro au travail des enfants dans les secteurs à forte prévalence“. Une démarche pertinente mais qui suscite d’interrogations quant à l’impact qui découlerait des actions. Peut-on espérer véritablement une inversion de la tendance ?

 

A travers la présente campagne, le gouvernement entend renforcer la lutte contre le travail des enfants. Ainsi, des actions de sensibilisation sont donc initiées sur l’exploitation économique des enfants et mesures de répression, la maltraitance des enfants sur des chantiers, ateliers et autres. Défini comme un travail qui prive les enfants de leur enfance, de leur potentiel et leur dignité et qui nuit à leur développement, le travail des enfants constitue une violation des droits fondamentaux de l’homme. Si pour les autorités béninoises, les domaines de la protection de l’enfance en général et de la lutte contre les pires formes de travail des enfants en particulier ont été fortement impactés par la série des réformes initiées par le gouvernement dans tous les secteurs depuis 2016, avec comme conséquence, une amélioration substantielle de la situation des droits et du bien-être des enfants, la réalité semble et demeure toute autre. En effet, ces enfants, quasiment des mineurs, sont employés sur des chantiers au quotidien. Ils s’y trouvent encore, contraints souvent à effectuer des travaux d’adultes. Dans les ateliers de travail, ils s’y trouvent. Dans les salons de coiffure, de couture, ateliers de soudure, de vulcanisation ou encore de mécanique, il n’est pas rare de les voir parfois seuls à y passer la nuit. Cependant, les campagnes de sensibilisation ont toujours été initiées par différents gouvernements. Mais le problème semble encore loin d’être résolu. Toutefois, nul ne peut nier l’impact desdites campagnes de sensibilisation. Même si les données statistiques souvent avancées sont loin de refléter la réalité, selon plusieurs observateurs. En effet, selon les résultats de l’enquête MICS réalisé par l’INSTaD, le taux de prévalence nationale en matière de travail des enfants est passé de 52,5% en 2014 à 19,9% en 2022, renseigne le site officiel du gouvernement. A ce stade, il importe de s’interroger si les sensibilisations qui ont été faites depuis des décennies permettent désormais de croire à une fin du travail des enfants. Etant donné que les enfants continuent d’être mis en apprentissage avant l’âge requis malgré lesdites initiatives et le renforcement de l’arsenal juridique, il urge de se poser les vraies questions. Les sensibilisations sont-elles vraiment efficaces ? Que faire ?

Le mal est plus profond…

En fait, il faudra admettre que plusieurs enfants optent pour la déscolarisation pas parce qu’ils ne sont pas assez intelligents pour aller à l’école mais en raison du défaut de moyens financiers des parents. Quand bien même la gratuité de l’école est décrétée au niveau primaire et les cantines scolaires sont devenues une réalité, les besoins sont en réalité loin d’être couverts. Les fournitures scolaires, les repas du matin et du soir, la tenue kaki et autres frais sont à la charge des géniteurs qui, se retrouvent à devoir prendre soin de plusieurs bouches dont l’avenir reste incertain. Dans ces conditions, la seule issue souvent trouvée par ceux-ci est de confier l’enfant à un parent, ami ou une simple connaissance afin qu’il apprenne un métier. Ceci, dans l’optique de pouvoir non seulement aider sa famille mais surtout de cesser d’être une charge pour les parents. Telle est la réalité malheureusement. Doit-on retirer les enfants des lieux d’apprentissage ? Pour les confier à qui ? (Car les parents n’arrivent plus à subvenir aux besoins). Doit-on emprisonner les responsables d’ateliers ou tous ceux qui se servent des enfants comme main d’œuvre ? Ou faudra-t-il interpeller et mettre au gnouf ces parents ? Autant de questions auxquelles il faudra apporter des réponses. D’ailleurs, lors de la campagne en cours, il n’a pas été annoncé officiellement, en tout cas jusque-là, que des personnes seraient interpellées pour une quelconque implication dans l’utilisation des enfants comme main d’œuvre. Si, selon le gouvernement, les objectifs poursuivis sont de mobiliser les acteurs de protection de l’enfant, les usagers des marchés, les artisans, les communautés et les enfants eux-mêmes dans la lutte contre le travail des enfants ; de mener des visites conjointes d’inspection et de contrôle dans les marchés, les carrefours et autres points de vente ; d’identifier et retirer les enfants victimes d’exploitation économiques et de maltraitance, y compris ceux impliqués dans la mendicité ; poursuivre la prise en charge et la réinsertion des enfants en situation de travail et de mendicité ; engager des actions à l’encontre des auteurs et complices d’exploitation économiques des enfants ; enfin, capitaliser les bonnes pratiques en matière de lutte contre l’exploitation économique des enfants, l’impact des actions n’est  visiblement pas encore perceptible. Certes, il urge de sonner la mobilisation afin d’en finir avec la culture de l’usage de la main-d’œuvre infantile à des fins d’exploitation économique, mais il importe de repenser la stratégie afin d’attaquer le mal par les racines.

A.B

Source : Matin Libre

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